Page:Grégoire - Lettre aux philantropes sur les malheurs, les droits et les réclamations des gens de couleur de Saint Domingue et des autres îles françoises de l'Amérique.djvu/6

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tendoit, dit-on, à l’indépendance des colonies, vouloit associer les sang-mêlés à ses projets ; elle vouloit, de plus, qu’ils jurassent envers les blancs respect et soumission. Qu’arrive-t-il ? le serment civique, profané par cette clause insolente, est surpris ou extorqué à plusieurs : les autres le rejettent courageusement. Ils s’empressent d’adresser à M. de Peynier leur protestation d’attachement à la mère patrie, et prouvent par-là qu’ils sont dignes des droits de cité, auxquels ils aspirent, pour en faire un bon usage. Toutes les lettres qu’ils m’ont écrites respirent le même esprit. Il suffira d’en citer une :

« Nous n’avons senti aucun agrément des décrets sur les colonies. Vous aviez prévu l’interprétation qu’on en feroit ; mais Dieu nous est témoin que l’injustice ne corrompra pas nos cœurs, et que nous conserverons toujours, pour la nation et pour notre bon roi, cette fidélité qui nous est naturelle. Pourquoi avoir voulu nous laisser au jugement de nos ennemis, etc. ? »

J’arrive à mes preuves.

1o. Par son décret du 12, l’assemblée nationale manque à sa promesse. Le 21 octobre 1789, la députation des sang-mêlés, admise à la barre, y lut son adresse ; on lui répondit : Aucune partie de la nation ne réclamera vainement ses droits auprès de l’assemblée des représentans de la nation, etc. A-t-on tenu parole ? Il fut décrété qu’on rendroit compte à l’assemblée de leur pétition. Dans dix ou douze séances du comité de vérification, elle a été discutée contradictoirement avec les colons blancs[1] ; et parce que l’avis

  1. J’invoque le témoignage de mes collègues au co-