Page:Grégoire - Lettre aux philantropes sur les malheurs, les droits et les réclamations des gens de couleur de Saint Domingue et des autres îles françoises de l'Amérique.djvu/9

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nal de Paris, leur a répondu victorieusement, en prouvant cette assertion jusqu’à l’évidence.

Encore un mot à M. Barnave. Après avoir dit que jamais il ne fut dans les vues de l’assemblée de rien statuer sur l’état des personnes que sur le vœu de la colonie, il assure que l’assemblée nationale se propose de le décréter constitutionnellement. L’assemblée nationale n’en a pas le droit, et je le prouve. La constitution est la distribution des pouvoirs politiques ; mais l’état des personnes, leur égalité, leur liberté sont hors de la constitution, antérieurs à la constitution. L’assemblée nationale peut reconnoître ces droits, les déclarer, en assurer l’exercice ; mais ce que nous tenons immédiatement de Dieu, ce qui est dans l’ordre essentiel des lois de la nature ne peut être l’objet d’un décret. Les hommes ont droit d’exercer leur liberté comme ils ont droit de manger, dormir, etc. Ainsi, la proposition citée renferme une absurdité.

3o. Ce qu’on vient de lire établit clairement l’injustice du décret, et ce qui suit n’est que surabondance de raisonnement. Le code noir ou édit de 1685, registré à Saint-Domingue, articles 57 et 59, veut qu’en tout les mulâtres libres soient assimilés aux blancs. Ils invoquent cette loi, que vous n’avez point abrogée, et qui est inconciliable avec le décret du 12. Les blancs se plaignent amèrement des attentats du despotisme ministériel à leur égard, et ils veulent interdire aux sang-mêlés de trop justes plaintes, appesantir leur joug, traiter leurs soupirs comme des cris de rébellion ; et des hommes dont le crime est de vouloir goûter les fruits d’une liberté que la loi leur assure, sont livrés à la merci de ceux qui, contr’eux, sont juges et parties.