Page:Grégoire - Lettre aux philantropes sur les malheurs, les droits et les réclamations des gens de couleur de Saint Domingue et des autres îles françoises de l'Amérique.djvu/8

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2o. L’assemblée nationale contredit ses principes. J’ouvre cette célèbre déclaration des droits, qui assure à tous les hommes le patrimoine inaliénable de la liberté, qui sera toujours l’épouvantail des tyrans, et l’écueil où viendront se briser toutes les prétentions des oppresseurs. Oseriez-vous dire que les blancs seuls naissent et demeurent libres et égaux en droits ? Pourriez-vous localiser cette morale, qui embrasse toutes les régions comme tous les âges ? Au lieu de biaiser sur les expressions, dans un décret qui signifie évidemment la traite, la dignité du corps législatif n’exigeoit-elle pas qu’il prononçât avec clarté, et fît exécuter avec fermeté ? M. Barnave nous assuroit, le 12, que jamais l’assemblée n’avoit entendu rien changer à l’état des personnes sans l’aveu des colonies ; et moi je lui soutiens que lorsqu’à la séance du 28 mars j’insistai pour que les gens de couleur fussent désignés nominativement dans l’article 4 de l’instruction, un très-grand nombre de voix, plusieurs colons, et M. Barnave, qui professe actuellement une autre doctrine, s’empressèrent de déclarer qu’ils regardoient l’article comme prononçant d’une manière irréfragable les droits des sang-mêlés, comme leur assurant la plénitude des avantages de citoyens ; et vainement les colons blancs ont voulu démentir cette vérité ; M. Garat, dans le jour-

    noître les principes que la justice, l’humanité et la vérité éternelles ont consacrés ; il se déclara pour l’admission des députés de couleur, et même il desiroit qu’on préparât l’abolition future de l’esclavage. Je prie l’opinant de rapprocher son avis du 3 décembre, avec tout ce qu’il me dit près la tribune le 28 mars, lorsqu’il craignoit si fort, que sur ma demande, on ne désignât nominativement les sang-mêlés dans l’article 4 de l’instruction sur les colonies.