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LA VIE

Il luy eut eſté bien facile de joüir des biens, & de goûter les douceurs de la terre, mais il méprisa le monde & tous les avantages, le regardant avec mépris, comme un arbre tout ſec, dont les fleurs ſont fleſtries & les fruits ſans ſaveur. Benoiſt nâquit dans la Province de Nurcie, d’une famille illuſtre. Ses parens l’envoierent à Rome, pour y cultiver ſon eſprit par l’étude des belles let. tres : mais voiant que pluſieurs de ſes condiſciples ſe laissoient emporter aux vices, & ſuivoient le torrent de la corruption ; il conceut une grande averſion pour le monde ; & à peine y avoit-il mis le pied, qu’il l’en retira auſſi-toſt, de peur que prenant quelque part ses maximes, & à ſa corruption, il ſe precipitât enfin dans le peché, comme dans un profond abyſme. à

C’est ce qui luy fit mépriſer l’étude des ſcienceshumaines, pour acquerir une ſageſſe bien plus ſublime & bien plus ſainte. Il quitta pour ce ſujet la maison de ſon pere, & tous les biens de ſa famille par un deſir ardent de ne plaire qu’à Dieu ; cherchant avec ſoin & recevant avec joye l’habit de la Religion. De cette maniere ce jeune Saint ſortit de Rome, plus ſage & plus éclairé dans ſon ignorance, que tous les plus ſçavans du monde.

Je n’entreprens pas de rapporter ici toutes les belles actions de cet homme admirable ; parce que je ne les ſçay pas toutes : mais j’ay appris le peu que j’en raconterai du recit tres-fidele, que m’en ont fait quatre de ſes plus excellens diſciples. Conſtantin homme tres-venerable, qui luy ſucceda immediatement au gouvernement de ſon Monaſtere ; Valenti-