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DE SAINT BENOIST
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leur par ſes larmes. Le ſaint enfant ſenſiblement touché de l’affliction de ſa chère nourrice, prit les deux pieces de ce vaiſſeau rompu, se mit en oraison, répandit bien des larmes : & il n’eut pas plûtoſt achevé ſa priere, qu’il vit ce crible prés de luy auſſi entier que s’il n’eut pas eſté rompu. Aprés cela conſolant la nourrice, il lui rendit entier le meſme vaiſſeau qu’un peu auparavant elle avoit vû brisé.

Un miracle ſi évident ne put eſtre long-temps caché : il ſut bientoſt ſceu par tous les habitans de ce village, & ils en furent ſi ravis, qu’ils ſuſpendirent ce meſme vaiſſeau à l’entrée de leur Egliſe, pour conserver à la poſterité le ſouvenir d’un ſi grand prodige, & pour apprendre à tous les ſiecles l’éminence de la grace que Dieu avoit donnée à ce Saint dés son commencement. Ce crible miraculeux a demeuré ainsi exposé aux yeux de tout le monde juſqu’à l’entrée des Lombards en Italie, qui fut l’an 568. Mais Benoist craignant la vanité, & preferant les diſgraces de ce monde à ſes plus grandes faveurs, aimant mieux en ſouffrir les rigueurs pour l’amour de Dieu, que de jouir des plaiſirs & des honneurs de cette vie ; ſe déroba ſecrettement aux yeux de ſa nourrice & s’enfuit dans le deſert.

Ce deſert, qui n’eſt éloigné de la ville de Rome que de quarante mille14. ou 15. lieuës, eſt aſſez proche de Sublaque dont il a pris le nom. C’est un lieu écarté, d’où decoulent quantité de belles eaux fort froides & fort claires ; & ces eaux se ramassent, & forment un lac, qui s’écoule aprés & fait une rivière.

Benoist avançoit à grands pas vers ce lieu, lors