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LA VIE

qu’un Solitaire nommé Romain le rencontra, & lui demanda où il alloit. Ayant appris de lui le ſujet de ſa fuite, & le deſſein qu’il avoit de s’éloigner du monde, pour ſe donner entierement à Dieu, il lui garda le ſecret, l’aida dans ſa genereuse reſolution, & lui donna l’habit de la religion, l’aſſiſtant aprés cela autant qu’il lui fut poſſible.

Ce jeune Saint ſe voiant dans ce lieu ſolitaire, entra dans une caverne fort étroite, où il demeura trois ans inconnu à tous les hommes, excepté au moine Romain. Ce Religieux qui vivoit dans un Monaſtere aſſez prés de ce lieu, ſous la regle de l’Abbé Théodat, le déroboit ſaintement durant quelques heures aux yeux de ſon Superieur, & portoit ſecretement à S. Benoiſt à certains jours, quelques morceaux de pain, qu’il ſe retranchoit à ſoi-meſme. Le Monaſtere de Romain, n’eſtoit pas ſort éloigné de la caverne de Benoiſt ; parce qu’un grand rocher eſcarpé s’avançoit ſur cette grote, & ce charitable Religieux avoit accoûtumé de lier ce pain à une longue corde, & de le deſcendre ainſi en bas. Et afin que Benoist connut quand il luy apportoit ce petit repas, il avoit auſſi attaché une clochette à cette meſme corde, pour l’avertir de s’approcher & de le recevoir. Mais le demon noſtre ancien ennemi, ne pouvant pas ſouffrir la charité de Romain ni la refection de Benoiſt, voiant un jour qu’à l’ordinaire on lui deſcendoit du pain ; par une envie digne de lui, il jetta une pierre & caſſa la clochette. Romain ne laiſſa pas pour cela d’aſſiſter ce ſaint enſant, & ſa charité induſtrieuſe lui en donna aſſez de moiens.