CHAPITRE II.
Saint Benoist eſt tenté d’impureté ; il ſurmonte cette tentation en ſe roulant tout nud ſur des épines.
E ſaint étant un jour tout ſeul, le demon se preſenta à lui ſous la ſorme d’un petit oiseau noir, qu’on appelle communément un messe. Sous cette ſigure l’ennemi commença à voltiger au tour de ſon viſage avec tant d’imporennisé, & paſſa ſi ſouvent devant les yeux ; qu’il l’eut aisément pris avec la main, s’il l’eut voulu. Mais il ſe contenta de ſaire le ſigne de la croix, & chaſſa ainſi cet importun ; qui en ſe retirant lui laissa une tentation de la chair ſi violente, que ce ſaint n’en avoit jamais éprouvé de semblable.
Car cet eſprit malin lui repreſenta ſi vivement l’image d’une ſemme, qu’il avoit veuë autreſois, & l’excita à la deſirer par des ſollicitations ſi preſſantes ; que ne pouvant quaſi plus reſiſter, il ſut en doute s’il quitteroit ſa ſolitude. Mais Dieu le regardant à ce moment, le ſortiſia par ſa divine grace, & le ſit revenir à ſoi- meſme. Et voiant lors aupres de luy un lieu rempli d’épines, d’orties & de ronces il dépoüilla ſon habit, & avec une ſerveur admirable, il se jetta tout nud dans ce buiſſon, & s’y estant roulé long- temps, il en ſortit aiant tout le corps couvert de plaies & tout rouge de ſang. >
C’eſt ainſi que ce jeune ſaint guent la plaie de ſon ame par les bleſſures de ſa chair ; c’est ainsi qu’il
