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ROMAN D’UN PÈRE.

sez-vous, ce gros garçon, à faire sa cour à Suzanne ?

— Laissez-moi prendre mes informations, dis-je, pour gagner du temps.

— Allez, allez, prenez tout ce que vous voudrez. Je sais à quoi m’en tenir, répondit madame Gauthier d’un air de triomphe.

Je m’en fus secrètement sous un faux nom au château de Lincy ; je fis un métier indigne, car je subornai les domestiques, et je graissai la patte aux aubergistes pour les faire parler. Tout le monde fut d’accord pour louer le jeune châtelain. Il payait bien, n’avait point de dettes, n’avait jamais amené de « demoiselles » au château ; personne ne se souvenait de l’avoir vu malade, et il fréquentait la meilleure société à dix lieues à la ronde. Je revins fort penaud, et Suzanne me reprocha amèrement d’avoir découché.

— Voilà papa qui se dérange, dit-elle d’un ton désabusé. Après dix-sept années d’une vie exemplaire ! Papa va dénicher des œufs dans les poulaillers, probablement ? Où allons-nous !

Elle levait les bras d’une façon si comique que ma disposition fâcheuse n’y put tenir.

— Que dis-tu de M. de Lincy ? lui demandais-je sans précaution oratoires.