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ROMAN D’UN PÈRE.

moisi en comparant cet accueil hospitalier avec celui que j’avais fait à Lisbeth lors de son voyage. Je la croyais moins riche aussi ; son châle jaune et son ridicule à glands ne pouvaient me donner la mesure de ce bien-être de province où les capitaux sont représentes par des terres, des tonneaux de vin, des armoires pleines de linge, de laine, de lin, bien plus que par des pièces de cent sous.

— Cousine Lisbeth, lui dis-je en lui prenant les deux mains, vous êtes une vraie femme, vous !

— La bête au bon Dieu, fit-elle en riant, c’est comme ça qu’ils m’appellent dans le pays, parce que, sans être méchante, je n’ai pas plus d’esprit qu’il ne m’en faut.

Je fus touché de cette humble douceur.

— Vous êtes seule ici ? lui dis-je ; mes souvenirs me rappelaient une famille nombreuse ?

— Ils sont tous partis, répondit-elle avec un soupir, les uns pour l’armée, les autres pour le cimetière ; j’avais une belle-sœur veuve qui était morte en me laissant deux enfants, — la coqueluche les a emportés tous les deux la même semaine, il y a dix-huit mois… Depuis, je suis restée toute seule ici… Vous allez bien rester