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SUZANNE NORMIS.

Elle me couvrit de baisers et reprit sans s’interrompre :

— Oh ! le vilain père ! il est affreux ! Il a des cheveux blancs ! Tu t’es donc fait teindre ? Tiens, regarde comme tu es laid !

Elle tournait ma tête vers la glace, et je m’aperçus alors que j’avais blanchi depuis l’époque de son mariage.

— Ça ne fait rien, reprit-elle sans me laisser le temps de parler, tu es beau tout de même, je t’aime comme ça.

Elle sourit, me regarda, passa ses doigts mignons dans mes cheveux blancs et fondit en larmes, en cachant sa tête blonde dans mon cou.

Je la pris par la taille et je voulus la faire asseoir. Elle se releva d’un bond, arracha son chapeau, qu’elle jeta à l’extrémité du cabinet, et se laissa tomber dans un fauteuil, riant, pleurant et me prenant à tout moment la figure entre les deux mains pour me regarder à son aise.

— Ah ! soupira-t-elle quand elle m’eut bien vu, que j’avais envie de te revoir !

Et moi donc ! mais je n’osais le lui dire.

— Ton mari ? demandai-je enfin, me ressouvenant de l’existence de cet être désagréable.

— Il va venir, dit-elle en reprenant soudain