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ROMAN D’UN PÈRE.

Je ne me désespérai pas cependant ; je continuai à m’enquérir. Je me fis apporter des billets qu’il avait souscrits, me réservant de le poursuivre s’il en était besoin… Hélas ! la contrainte par corps était abolie, et je n’avais plus même la ressource de l’envoyer passer quelques semaines à Clichy !

Un jour que, dans ma patiente recherche, je l’avais traqué sur le boulevard, je le vis descendre de voiture devant Bignon ; le coupé était fort joli, le cocher irréprochable, le cheval demi-sang, — c’était son coupé à lui ; pour ne pas être forcé d’en partager la jouissance avec Suzanne, il le louait au mois et le prenait au coin de l’avenue des Champs-Élysées, en sortant de chez lui le matin.

Une femme restée dans le coupé se pencha par la portière et lui cria :

— Surtout, n’oubliez pas les cailles rôties !

Cette voix, ce visage m’étaient connus ; je fis un plongeon dans mes souvenirs, et je retrouvai au fond, tout au fond, le profil de mademoiselle de Haags, celle que ma belle-mère m’avait si obligeamment destinée autrefois.

C’était bien mademoiselle de Haags, les lèvres rouges, les cheveux d’un blond insolent, les yeux