Page:Gréville - Suzanne Normis, roman d'un père, 1877.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
SUZANNE NORMIS.

me criait que j’avais rempli mon devoir en arrachant ma fille à son bourreau.

— Mais ce n’est pas tout, père, dit-elle, j’ai faim. Et puis je ne puis pas me lever, parce que je n’ai pas de robe !

Elle éclata de rire, et ce rire enfantin, naïf, me rappela tout un ordre de souvenirs que nos récentes peines avaient relégués dans le passé. Il me semblait, à moi aussi, redevenir jeune et retourner au temps de sa première enfance !

Lisbeth entra, voyant la porte ouverte :

— Je t’apporte une de mes robes, ma mignonne, dit-elle, pendant qu’on nettoie la tienne ; ce serait peut-être un peu long, j’y ai fait un pli.

Je m’en allai pendant que Lisbeth aidait Suzanne à faire sa toilette.

Au bout de quelques instants, j’entendis un concert d’éclats de rire, et Suzanne entra vêtue de la robe de Lisbeth. La jupe n’était pas trop longue, mais la taille avait bien cinq pouces de trop, et Suzanne essayait vainement de s’apercevoir en entier dans les petites glaces de cette antique demeure.

Nous restâmes huit jours chez notre excellente cousine, puis il fallut partir, pour mettre