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SUZANNE NORMIS.

quand on se serait assez habitué à nous pour ne plus remarquer nos fantaisies. Elle se contentait de chanter sans accompagnement, le plus souvent au grand air, et ces exercices répétés, loin de lui gâter la voix, avaient donné à son timbre déjà riche et velouté une puissance extraordinaire.

J’avais fait venir des livres, des couleurs, du papier ; nous faisions, ma fille et moi, de détestables aquarelles d’après nature ; et si quelque chose pouvait consoler Suzanne des siennes, c’était la contemplation des miennes.

— C’est un rocher, ça ? me dit-elle un jour, après avoir admiré longuement une de mes esquisses.

— Où donc ?

— Là, dans le coin.

— Oh ! fis-je indigné, comment peux-tu prendre cela pour un rocher ?

— Un tronc d’arbre, alors ?

— Du tout ! c’est une vache rousse.

Suzanne se laissa tomber sur le gazon en proie au fou rire le plus contagieux. Quand elle eut repris un peu de calme :

— Sais-tu, père, me dit-elle, que, pour ce que nous faisons, nous serions peut-être plus