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ROMAN D’UN PÈRE.

jusqu’aux teintes neutres et douces de leurs costumes, formait un ensemble « fait à souhait pour le plaisir des yeux ».

Il posa son livre et fit une question que je n’entendis pas. Suzanne leva a tête, sourit ; une teinte fugitive de rose passa sur ses joues, ses cils châtains battirent deux ou trois fois sur ses yeux ; elle répondit un mot, et se pencha sur son ouvrage. Je restai un instant comme pétrifié, puis je retournai sans bruit dans ma chambre. Ils ne m’avaient ni vu ni entendu.

Fou que j’étais ! comment n’avais-je pas prévu qu’ils s’aimeraient !

Ces deux jeunes gens si bien faits l’un pour l’autre pouvaient-ils vivre ensemble, partager le même toit, les mêmes idées, les mêmes impressions, échanger les mêmes sympathies, et ne pas s’aimer ! Si quelque chose était étrange ici, c’était qu’ils ne fussent pas tombés dans les bras l’un de l’autre au bout de huit jours ! Et moi, père aveugle, niais, incapable, j avais retenu cet homme auprès de nous ! Une seconde fois j’avais joué le bonheur de ma fille. Alors je l’avais ravie au mariage. À présent, pourrais-je la ravir à l’amour ?

Malgré moi, je m’approchai de la fenêtre et