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SUZANNE NORMIS.

une seconde vie, — je me sens jeune, vivante, heureuse de vivre, — je vous bénis, Maurice, et je vous aime.

Il s’inclina devant elle et baisa un pli de sa robe. Je me taisais. Qu’avais-je à dire ?

— Mon père vous a ordonné de partir ? C’était son devoir ; moi, je vous prie de rester ; peut-être mon père y consentira-t-il quand je lui aurai parlé. — Te souviens-tu, dit-elle en se tournant vers moi, que, le jour même de son arrivée, nous avons abordé ce sujet ? Je t’ai dit, tu ne peux l avoir oublié, que si j’aimais, je ne faillirais pas ; que j’aimerais jusqu’au martyre, mais que je respecterais tes cheveux blancs.

Je m’en souvenais, certes ! La joie de ce jour avait été une des plus pures de ma vie.

— Je tiendrai ma promesse, continua Suzanne. Jamais Maurice, par surprise ou persuasion, n’obtiendra rien de moi ; je resterai ce que je suis, nous vivrons comme nous avons vécu ; s’il trouve l’épreuve pénible, qu’il parte. Mais moi, je l’aime, mon père, et s’il part, ma vie s’en ira avec lui !

Maurice me regardait, attendant son arrêt, je n’eus pas le courage de le prononcer ; mais je ne pouvais cependant consentir. Suzanne reprit et