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SUZANNE NORMIS.

J’étais enfant avec Suzanne, si bien qu’elle ne désirait pas d’autre société que la mienne. Elle regardait d’un air dédaigneux les enfants qui se promenaient en groupe, et me serrait la main en passant auprès d’eux comme pour m’exprimer sa joie d’être à mon côté.

— N’as-tu pas envie d’aller jouer avec les petites filles ? lui demandais-je parfois.

Elle secouait négativement la tête et répondait :

— J’aime mieux rester avec papa.

Un jour, cependant, elle fut vivement tentée. Nous étions assis au soleil, dans une allée ; un pensionnat de petites filles, très-correct, je dois le dire : robes noires, ceintures bleues, petit toquet de velours orné d’un pompon bleu, s’arrêta en face de nous, et les enfants commencèrent une de ces rondes où les couples défilent à la queue leuleu sous les bras élevés de leurs compagnes. La chaîne gracieuse se défaisait et se reformait régulièrement : Suzanne, blottie contre moi, regardait de tous ses yeux, et de temps en temps murmurait :

— C’est bien joli !

Une sous-maîtresse, qui nous regardait depuis un instant, dit deux mots à l’une des grandes,