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Page:Grad - L'Alsace, le pays et ses habitants - 1909.pdf/23

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Une matinée suffit pour monter encore au Galgenberg et pousser jusqu’à Luttenbach en remontant la grande vallée. Le Galgenberg donne une vue étendue sur l’entrée de la grande vallée et sur la ville. Celle-ci est à ses pieds, comme au bas d’une tribune aérienne. Autrefois ces versants étaient revêtus de chênes séculaires. Quoi, les anciens prétendent à Munster que des chênes du Galgenberg datant des rois mérovingiens étaient encore debout au commencement de ce siècle ! Ils ont été coupés et vendus afin de payer les contributions de guerre lors de linvasion des armées alliées en 1815. De même que les grands arbres, a disparu la potence plantée sur ces hauts lieux lors de la substitution dans la vieille cité impériale du supplice de la pendaison à la peine du glaive et du bûcher. Un procès-verbal rédigé le 20 juin 1660 constate que la potence du Galgenberg a été élevée ce jour-là en présence des deux prévôts de la ville, des conseillers, du greffier et de trente bourgeois en armes avec la bannière en tête. Le premier clou fut enfoncé solennellement par Thiébaut Herzog, au nom du prévôt en fonction, les autres par des ouvriers charpentiers. Fiat justitia, pereat mundus, dit le pasteur Scheurer, témoin de cette cérémonie.

VI

PROMENADE DANS LA GRANDE VALLÉE DE LA FECHT.


Après le Schlosswald et Luttenbach, voici Metzeral. Là, tout en soupant avec gaieté au Soleil d’Or, j’examine le local et ses clients. Les clients paraissent nombreux, car nous sommes au dimanche soir. Dans la vaste salle du rez-de-chaussée, les bourgeois de Metzeral, gens à leur aise, viennent entendre ce qu’il y a de nouveau, assis autour des tables rustiques en bois, près d’une bouteille de rouge, du vin de Turckheim, je crois. Cela fait du bien, allez, un bon verre, le dimanche soir, après une semaine d’énergique travail. Pourtant, tandis que les vieux restent en bas, les jeunes gens préfères se donner une partie de billard, au premier, avec de la bière. Au rez-de-chaussée, les murs sont garnis d’un lambrissage massif, bruni par le temps ; le plafond a des poutres noircies par la fumée des lampes et du tabac. Au-dessus d’une petite armoire, où aboutit un tuyau de fontaine, dont vous entendez ruisseler l’eau toujours fraîche, vous voyez une pièce de calligraphie encadrée sous verre. C’est une composition de Steiner, l’ancien fermier anabaptiste de Lauchen, gentiment exécutée, avec cette conclusion ironique :

Wer kein Geld hat, den lub mein Brunnen.