Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/114

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à Jérusalem ; là, toutefois, il ne lui fut pas permis de paraître devant son père, et il dut, comme un proscrit, se confiner dans sa maison. Sans s’en douter, Joab venait d’introduire la discorde dans la famille de David ; car Absalon, dans la solitude de sa disgrâce, rêvait nuit et jour à l’exécrable projet qu’il avait conçu de renverser son père. Mais, pour en assurer le succès, il lui fallait cacher son jeu. Avant tout, il était nécessaire qu’une réconciliation s’opérât, au moins ostensiblement. Joab, qui avait à cœur ce rapprochement, dut sans doute plaider chaudement la cause du fils auprès du père ; car David, après avoir tenu deux ans rigueur à son fils, se décida enfin à l’admettre en sa présence. Dans cette entrevue, Absalon joua supérieurement son rôle de fils soumis et repentant. Et David lui donna le baiser paternel, et la réconciliation fut consommée. Sept ans s’étaient écoulés déjà depuis la mort d’Amnon. Alors les intrigues se donnèrent carrière. Absalon dut sans doute avoir mainte conférence secrète avec Achitophel et agir d’après ses conseils. Il se posa dès lors en futur héritier du trône. II fit venir d’Égypte des chevaux et des chars, se donna cinquante gardes du corps, s’entoura enfin d’un appareil royal. De plus, il se levait chaque matin de bonne heure pour s’entretenir avec ceux qui venaient présenter leurs doléances au roi. Il les interrogeait, se faisait raconter leurs griefs, donnait raison à chacun, regrettait que le roi ne donnât pas audience et satisfaction à tous et ajoutait que, si lui-même devenait un jour juge, nul n’aurait jamais à se plaindre d’un déni de justice. Telles furent ses allures près de quatre ans de suite après sa réconciliation avec son père. — Absalon était le plus bel homme de son temps ; il avait dépassé la trentaine et atteint la plénitude de sa vigueur. Sa luxuriante chevelure ondoyait sur ses épaules comme la crinière d’un lion. Il captivait, par son aménité et ses manières affables, tous ceux qui l’approchaient. Et David, aveuglé, ne s’apercevait pas que son perfide enfant lui enlevait peu à peu tous les cœurs. Absalon n’attendait qu’une occasion favorable pour lever le masque, se déclarer ouvertement contre son père, le renverser, l’immoler peut-être et s’emparer du pouvoir. L’occasion ne se fit pas longtemps attendre.