Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/12

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de leur activité, comme soumise à une puissance unique ou à plusieurs puissances rivales. La première de ces croyances leur montre partout l’harmonie et la paix, et les apaise eux-mêmes ; la seconde ne leur fait voir que désunion et déchirement, et eux-mêmes les divise. L’assimilation de l’homme à Dieu, contre-pied de la sacrilège assimilation de Dieu à l’homme et conséquence du dogme unitaire, imprime à l’homme le respect de lui-même, le respect de ses semblables, et assure à la vie du plus chétif une protection religieuse et morale. L’abandon des nouveau-nés par leurs parents est-il un crime ? Il ne passait point pour tel chez les anciens, pas même chez les grecs. Maintes fois les montagnes retentirent des gémissements d’enfants débiles, ou les fleuves charrièrent des cadavres d’innocents que leurs parents y jetaient sans nul remords, quand ces êtres leur étaient à charge. A personne le cœur ne saignait à la vue de ces infanticides ; pas un tribunal ne faisait justice de semblables méfaits. Avoir tué un esclave était aussi indifférent que d’avoir abattu une pièce de gibier. Pourquoi, aujourd’hui, la seule idée de ces crimes nous fait-elle frémir ? Parce que le peuple israélite a proclamé cette loi : Tu ne dois point tuer l’homme, car l’homme a été créé à l’image de Dieu ! Même la vie d’un enfant, même la vie d’un esclave, doivent être sacrées pour toi ! — On a prétendu que la raison humaine a fait des pas de géant, mais que le sens moral était resté de beaucoup en arrière et n’avait guère progressé depuis les temps anciens. Mais il faut songer que l’homme s’est corrigé bien plus tard de la grossièreté que de l’ignorance. Ce n’est que bien tard que sa conscience engourdie, que son instinctive horreur pour certains méfaits s’est réveillée, et le peuple israélite fut un des auteurs de ce réveil. Cette pensée, cette doctrine que tous les hommes sont égaux devant la loi comme devant Dieu, que l’étranger doit être traité sur le même pied que l’indigène, c’est encore un fruit du principe de l’assimilation de l’homme à Dieu, et c’est le peuple israélite qui en a fait une loi fondamentale de l’État. Ce fut la première reconnaissance d’une partie des droits de l’homme. Mais les peuples de l’antiquité, même les promoteurs de la civilisation, n’ont en aucune façon reconnu ce droit, admis aujourd’hui comme évident. Lorsqu’ils cessèrent d’immoler les étrangers que