Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/14

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et montré, dans ces circonstances, les plus sombres préoccupations. Tels étaient leurs mystères, qui, comme tout excès, aboutirent à l’excès contraire, aux débauches des orgies. Les dieux mêmes payaient tribut à la mort, loin d’en libérer les hommes ; eux aussi ils durent visiter les sombres bords, et l’on montrait en maint endroit la tombe, le cercueil ou le calvaire d’un dieu. Le sentiment israélite, qui honorait en Dieu la source de la vie, attachait à la vie une si haute importance qu’il écartait du sanctuaire tout ce qui pouvait rappeler la mort ; et il s’est si peu fatigué sur les mystères d’outre-tombe, qu’il a même encouru le reproche opposé, celui de l’être uniquement attaché à la vie terrestre. Et cela est vrai. Les prophètes d’Israël n’ont pas connu de plus noble idéal que cet avenir où la terre sera remplie de la saine connaissance de Dieu, comme le lit des mers est rempli d’eau. Oui, Israël appréciait grandement la vie, mais une vie morale, digne et sainte. Non certes, le peuple israélite n’a rien de commun avec les autres sémites, ses congénères, ni avec leur fureur de se taillader la chair en l’honneur de telle divinité, ni avec leur délirante luxure en l’honneur de telle autre. Il s’est séparé d’eux et, par une discipline sévère, maintenu à l’écart de leurs dérèglements.

Assurément le peuple israélite a aussi ses grands défauts ; il a beaucoup péché, mais il a durement expié ses fautes. L’histoire doit précisément s’attacher à découvrir ces mêmes fautes, leur origine, leur enchaînement et leurs conséquences. Plusieurs de ses vices n’étaient que vices d’emprunt, dus à l’influence de l’entourage ; mais il avait aussi ses infirmités propres et originelles, des imperfections inhérentes à son caractère. Eh ! pourquoi Israël serait-il plus parfait que les autres races, dont pas une ne s’est encore montrée de tout point accomplie ?

D’ailleurs, plus d’un reproche fait à ce peuple est mal fondé. On prétend qu’il n’a pas eu une bonne constitution politique. Cette critique repose sur une confusion d’idées. On ne doit juger une constitution que par ses résultats ou d’après la durée de la société qu’elle a régie. Or, la société israélite s’est maintenue tout aussi longtemps que la plupart des États du vieux monde, plus longtemps que les États babylonien, perse, grec et macédonien, —