Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/16

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de n’avoir laissé aucune grande construction, aucun chef-d’œuvre d’architecture. Il peut n’avoir pas eu de dispositions pour cet art ; mais cette lacune peut venir aussi de ce que ce peuple, dans son idéal d’égalité, n’exaltait pas ses rois au point de leur bâtir des palais gigantesques et des tombes pyramidales. Il n’a même pas édifié un temple à son Dieu (le temple de Salomon fut élevé par des Phéniciens), parce que le vrai temple de Dieu, pour lui, c’était le cœur. Il n’a ni peint ni sculpté des dieux, parce qu’il voyait et voit encore dans la Divinité, non pas un gracieux jouet, mais l’objet d’une grave et fervente vénération.

Le peuple israélite n’a pas atteint jusqu’à l’épopée, moins encore jusqu’au genre dramatique. Peut-être était-ce chez lui manque de disposition ; mais ce manque même tient à son aversion instinctive pour les théogonies et les légendes mythologiques, et aussi pour les jeux et les fictions du théâtre. En revanche, il a créé deux autres genres de poésie qui reflètent bien la richesse de son idéal : le psaume, et l’éloquence poétiquement cadencée des prophètes. Ce qui caractérise l’un et l’autre genre, c’est qu’ils ont pour base commune la vérité et non la fiction ; que, par suite, la poésie, au lieu d’être un simple divertissement de l’imagination, devient un instrument d’élévation morale. Si le drame n’est pas dans cette littérature, la vie dramatique y respire ; si elle n’a pas la raillerie comique, elle a cependant cette hautaine ironie de l’idéal qui regarde avec dédain tout ce qui n’est que vaine apparence. Les prophètes et les psalmistes d’Israël ont créé, eux aussi, une belle forme poétique, mais ils n’ont point sacrifié le fond, la vérité, pour l’amour de la forme. Le peuple israélite a aussi sa manière à lui d’écrire l’histoire ; ce qui la distingue, c’est qu’elle ne cherche ni à dissimuler ni à pallier les faiblesses ou les torts des héros, des rois, des peuples, mais expose constamment les faits avec une scrupuleuse sincérité.

Cette littérature hébraïque qui n’a point sa pareille au monde, qui a tout au plus des imitatrices, doit à sa supériorité même les conquêtes morales qu’elle a faites. Les autres peuples n’ont pu résister au sentiment profond et vrai qui l’anime. Si la littérature grecque a embelli le domaine de l’art et de la science, la littérature hébraïque a idéalisé celui de la sainteté et de la culture morale. Mais