Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/17

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elle a encore sur elle cet autre avantage d’avoir un dépositaire immortel, qui l’a conservée et cultivée au milieu des circonstances les plus défavorables. L’histoire d’un tel peuple mérite, à coup sûr, quelque attention...

L’histoire fait ressortir dans ce peuple une double transformation ; elle montre l’humble famille d’un cheikh devenant un rudiment de peuple, ce petit peuple traité comme une horde, puis cette horde disciplinée de manière à devenir peuple de Dieu, au moyen d’une doctrine qui lui donne une notion élevée de l’essence divine et qui y rattache la sanctification de soi-même, l’empire sur soi-même. Cette âme du peuple a grandi et s’est développée parallèlement avec son corps ; elle s’est traduite en lois, et, bien qu’indépendante du temps et de ses vicissitudes, s’est accommodée à la diversité des époques. La transformation s’est opérée au prix de luttes douloureuses. Il a fallu vaincre des obstacles intérieurs et extérieurs, réparer des déviations, guérir des rechutes, jusqu’à ce que le corps du peuple pût devenir un digne organe de son âme. Ce qui était caché devait se produire au jour, ce qui était obscur s’éclaircir, le vague pressentiment se changer en intuition nette et lumineuse, pour que l’Israël entrevu par les prophètes dans le lointain avenir pût devenir le flambeau des peuples. Certes, ni le globe de la terre ni le cours des siècles ne nous montrent un second peuple qui, comme le peuple israélite, ait porté partout avec lui une doctrine déterminée...

Celui-là même qui ne croit pas aux miracles doit reconnaître qu’il y a, dans l’histoire du peuple israélite, quelque chose qui tient du miracle. On n’y remarque pas seulement, comme chez les autres peuples, les phases successives de la croissance, de l’épanouissement et du déclin, mais aussi ce phénomène extraordinaire qu’au déclin a succédé une renaissance, une nouvelle floraison, et que cette alternative s’est trois fois répétée. La transformation du groupe familial israélite en peuple, depuis son entrée dans le Canaan jusqu’à la royauté, forme la première époque, celle de la croissance. La deuxième, celle de l’épanouissement, répond aux deux règnes de David et de Salomon, sous lesquels le peuple israélite est devenu un État de premier ordre. Elle ne fut pas longue, cette époque florissante ; elle fut suivie d’un affaiblissement graduel,