Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/21

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pelait « le pays de Canaan ». Partout où s’offraient de riches vallées, des oasis et des hauteurs naturellement fortifiées, elles avaient déjà pris pied lors de l’arrivée des hébreux, et elles s’étaient avancées jusqu’à la belle vallée de Sodome et de Gomorrhe, jadis semblable à un jardin de Dieu, et qui depuis, par suite d’une révolution physique, est devenue la mer Morte.

Mais les Israélites n’entrèrent pas dans ce pays en vue d’y chercher des pâturages pour leurs troupeaux et d’y séjourner en paix, côte à côte avec d’autres pasteurs. Leurs prétentions étaient plus hautes : c’est le Canaan tout entier qu’ils revendiquaient comme propriété. Ce pays renfermait les sépulcres de leurs aïeux. Abraham, le fondateur de leur race, venu des bords de l’Euphrate, du pays d’Aram, avait, après maintes pérégrinations dans le Canaan, acheté à Hébron la Double Caverne comme lieu de sépulture pour sa famille, avec le champ et les arbres adjacents. Leur troisième patriarche, Jacob, après bien des épreuves et des voyages, avait acheté un domicile près de Sichem, et, à la suite du rapt et du déshonneur de sa fille, il avait enlevé aux Sichémites, avec son épée et son arc, cette ville importante, centre en quelque sorte de toute la région. Contraint par la famine, le même patriarche avait quitté malgré lui ce pays, considéré comme sa propriété, pour émigrer en Égypte ; et, sur son lit de mort, il avait adjuré ses enfants de transporter ses os dans le sépulcre héréditaire de la Double Caverne. Mais ce pays ne renfermait pas seulement les tombeaux des ancêtres ; il portait aussi les autels que les trois patriarches y avaient consacrés, à différentes places, au Dieu qu’ils adoraient, et auxquels ils avaient attaché son nom. — En vertu de toutes ces acquisitions, les Israélites croyaient avoir un droit absolu à la possession exclusive du pays.

Mais ils invoquaient encore d’autres titres plus élevés, qui confirmaient ce droit de possession héréditaire. Les patriarches leur avaient légué comme un saint héritage cette croyance que le Dieu, qu’ils avaient les premiers adoré, leur avait, par des promesses réitérées et certaines, quoique données en songe, adjugé la propriété du pays, non comme simple don gracieux, mais comme l’instrument d’une moralisation supérieure, qu’ils pourraient et devraient y développer. Cette moralisation devait résider, avant