Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/210

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et les mêmes vices. La noblesse n’est pas si facile à s’amender: celle-ci accueillit avec le sourire du mépris le tableau menaçant qu’on lui faisait de l’avenir. Ce n’est point cependant en vain qu’avaient été prononcées ces paroles pleines d’éloquence ; elles ont porté plus tard dans des milieux auxquels elles n’avaient point été destinées, et leur action s’est étendue au loin sur les peuples, à travers les contrées et les âges. Elles ont été comme un tonnerre, qui a réveillé la conscience. Isaïe ne se borne pas à poursuivre le crime de ses censures ; il présente aux hommes un idéal moral, dont la pratique leur fera trouver le salut et obtenir le bonheur. Le roi doit régner selon la justice et régner aussi sur les grands, afin que ceux-ci, à leur tour, gouvernent avec équité. Il ne doit ni juger d’après le témoignage de ses yeux, ni prononcer d’après le bruit qui arrive à ses oreilles. La religion qui prie de la bouche et des lèvres, qui exalte Dieu en paroles, pendant que le cœur est loin de lui, cette adoration, simple précepte d’homme, chose apprise, Isaïe la qualifie dans les termes du plus profond mépris ; il flétrit plus âprement encore les sacrifices offerts sans la sincérité de l’intention et avec la méchanceté au fond du cœur.

Non content d’appliquer le feu de sa parole à guérir les plaies de la religion et des mœurs, il reprit l’œuvre de Samuel et d’Élie, en rassemblant autour de lui un groupe d’hommes pénétrés des mêmes sentiments, et auxquels il communiqua son esprit. Il choisit parmi les victimes de l’injustice des grands, celles dont le caractère était le plus impressionnable, et ces opprimés devinrent à la fois ses disciples et ses enfants. Il ne leur enseigna point le zèle violent et impétueux, mais les vertus opposées de la mansuétude, de la patience et de la résignation. Les hommes qui se réunirent à ses côtés furent appelés les humbles ou les affligés du pays (Anvê-Arez, Anavim). Nés sans fortune en leur qualité de Lévites, ou appauvris par les exactions des princes de Juda, ils prirent eux-mêmes ou reçurent le nom de pauvres (Ebionim). Isaïe leur apprit à supporter sans se plaindre la spoliation et la pauvreté, à souffrir l’injustice et la peine en se confiant à Dieu et à sa Providence. Ces humbles formèrent une communauté à part, qu’Isaïe et ses successeurs considérèrent comme