Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/221

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de sombres destinées l’attendaient en cas de défaite ; fallait-il l’abandonner ou lui prêter secours ? Et, d’un autre côté, devait-il provoquer la colère du puissant monarque assyrien ? Ézéchias, en cette conjoncture, éprouva peut-être un certain contentement à se voir privé de son libre arbitre. L’effet de cette désunion dans les sphères du pouvoir fut d’imprimer à son règne le caractère d’une suite de contradictions : l’élévation s’y montre à côté de la bassesse, les bonnes mœurs avec la corruption, la plus sereine confiance en Dieu près d’une obséquieuse recherche de l’aide étrangère ; le roi, en un mot, y apparaît comme l’image de la justice dans une capitale remplie d’assassins. Il ne vint même pas à bout de bannir l’idolâtrie. Les grands conservèrent leurs statuettes d’or et d’argent et continuèrent à adorer l’œuvre des mains de l’homme. Dans leurs jardins se maintinrent les statues d’Astarté, à l’ombre épaisse des térébinthes spécialement plantés pour leur servir d’abri. Cette anarchie, née de la faiblesse du roi et de l’opiniâtreté des grands, se traduisit dans la politique extérieure du royaume, au grand dommage de l’État. Contre toute attente et par un calcul étrange après la chute de Samarie, les gouvernants de Juda adoptèrent une ligne de conduite qui eût été plus sage avant et en tous cas plus généreuse. Ils formèrent le dessein de rompre avec l’Assyrie et de s’unir à l’Égypte. Ils suivirent exactement la même voie que Samarie dix années auparavant, sollicitèrent l’Égypte pour obtenir sinon le concours d’une armée nombreuse, du moins l’envoi de chevaux en quantité suffisante pour tenir campagne contré l’Assyrie. Bien entendu ce projet fut mené sans bruit, car la divulgation de préparatifs pouvait attirer des mat-heurs. Les sages hommes politiques de Juda poursuivaient leur œuvre dans l’obscurité et entouraient leurs résolutions du plus profond mystère.

Mais avec quelque discrétion que ces démarches fussent conduites et ces négociations dérobées à l’attention publique, elles n’échappèrent pas au regard d’Isaïe, qui employa toute la force de son éloquence à arrêter, autant qu’il se pouvait encore, une aussi folle entreprise. Ses plus brillants, ses plus saisissants discours sont de cette période de crise aiguë. Toutes les ressources