Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/231

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d’Israël. Les idolâtres se persuadèrent et voulurent persuader aux autres que justement ce Dieu-là était impuissant et ne pouvait pas plus porter bonheur que malheur. Grâce à l’habitude, grâce aussi à la contrainte apparemment exercée sur les opposants. ces désordres se propagèrent par tout le pays. Les Aaronides s’étant, de prime abord, refusés à cette apostasie, on fit venir de l’étranger, comme au temps de Jézabel et d’Athalie, des prêtres païens (Khemarim), qui furent admis même au service du temple. Il ne manqua pas non plus de prophètes de mensonge pour parler en faveur de ce scandale ; car il n’est abus qui, protégé par les grands, ne trouve des apologistes pour le pallier, le recommander même comme vérité unique et unique moyen de salut. Cet état de choses n’allait à rien moins qu’à faire oublier toute la tradition ; c’était la perte du peuple de Dieu, avec celle du trésor spirituel déposé entre ses mains et dont le bienfait devait embrasser l’humanité entière. Heureusement, comme on l’a vu plus haut, il existait déjà dans Jérusalem un parti dévoué à la doctrine nationale, si outragée par la cour, et qui présentait un absolu contraste avec les apôtres de l’idolâtrie. C’était le groupe de ces élèves de Dieu, de ces Humbles instruits et formés par Isaïe. Très faible par le nombre et la condition de ses membres, il était fort par l’énergie de leur caractère. Ce parti, qu’on peut appeler celui des Prophètes ou des Anavites, s’intitulait lui-même l’Assemblée des hommes droits. La révolution qui s’opéra sous Manassé lui infligea de dures épreuves. Ceux de ses adhérents qu’Ézéchias avait revêtus de judicatures ou de fonctions publiques en furent dépouillés par le parti de la cour ; des prêtres de la famille de Sadoc se virent chasser du temple et priver de leur part aux sacrifices, pour n’avoir pas voulu servir l’idolâtrie. Mais ce n’étaient encore que leurs moindres afflictions. Des prophètes s’étaient élevés contre cette violation du droit, d’autres anavites manifestaient leur horreur de la conduite des princes : ceux-ci, avec le roi Manassé, ne reculèrent devant aucun crime ; ils étouffèrent ces voix accusatrices dans le sang. De là vient qu’il ne s’est conservé aucun discours prophétique de cette malheureuse époque. La persécution ne laissa point au zèle des hommes de Dieu le temps de tracer leurs paroles, une