Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/255

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de l’âme, Jérémie alla les trouver, ainsi que le roi, et, en termes foudroyants, leur reprocha leur manque de parole, leur prédit que les Chaldéens reviendraient : ils reviendraient, prendraient Jérusalem, et le feu, la guerre, la famine, la peste déchaîneraient leurs fureurs sur le peuple.

C’en était trop. Nombre de grands étaient déjà irrités contre le prophète ; ce discours les remplit d’une haine mortelle. Un jour qu’il se disposait à quitter la ville pour se rendre à Anatoth, un garde, feignant de croire qu’il voulait passer aux Chaldéens, s’élança sur lui et, nonobstant ses protestations, le mena aux princes. Ceux-ci, heureux d’avoir enfin l’occasion de se venger, le traitèrent d’espion, et le battirent, puis le jetèrent dans une citerne, au fond de la maison du dresseur de listes Jonathan, qui se constitua son geôlier. Jérémie resta quarante jours dans ce cachot fangeux et insalubre. La joie de Jérusalem ne fut pas de longue durée. L’armée chaldéenne, qui avait marché au-devant de celle d’Apriès, la défit complètement ; Pharaon se trouva en partie désarmé, et Juda, du même coup, pour la seconde fois réduit à ses seules forces.

Le siège recommença plus étroit que jamais. Alors le courage des assiégés s’évanouit. Beaucoup, ne songeant qu’à leur salut, désertèrent ou s’enfuirent en Égypte. Sédécias lui-même se sentit devenir inquiet et s’aperçut trop tard qu’il y avait eu folie à vouloir se mesurer avec la puissance babylonienne. Aux calamités de la guerre vint s’ajouter la famine. Le nombre des hommes valides alla chaque jour en diminuant. Bientôt il en resta si peu, qu’ils ne furent plus en état de défendre les remparts. Enfin l’heure suprême arriva. Le 9 Tammouz (juin 586) le pain fit absolument défaut et les Chaldéens, grâce au complet épuisement des assiégés, réussirent à pratiquer une brèche, par où ils pénétrèrent dans la place.

Nabuchodonosor était alors à Ribla, en Syrie. Ses généraux s’avancèrent sans obstacle jusqu’au centre de la ville, dont les habitants, réduits à l’état de spectres, conservaient à peine la force de se traîner. La soldatesque se répandit dans tous les quartiers, massacra les jeunes gens et les hommes d’apparence valide, fit le reste prisonniers. Rendus féroces par la longueur du