Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/55

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abattre leurs bois sacrés, à anéantir tout leur attirail mythologique ; s’ils ne se doutaient pas de l’énorme contraste entre leur caractère et les aspirations des nouveaux venus, ils n’en haïssaient pas moins ces intrus qui, l’épée à la main, s’étaient installés dans la plus grande partie du pays. A l’encontre de cette hostilité ouverte ou sourde, que devaient faire les Israélites ? Ils devaient, ou déclarer à leurs voisins une guerre d’extermination, ou se mettre avec eux sur un pied de bon voisinage. Pousser à la guerre n’était pas possible ; car, depuis la mort de Josué, ils manquaient de direction et d’unité, ils n’avaient ni aptitudes pour la guerre ni envie de guerroyer. Ces conquérants remirent donc peu à peu l’épée au fourreau et cherchèrent à nouer des relations d’amitié avec leurs voisins. Les Cananéens et les Phéniciens n’en demandaient, pour le moment, pas davantage. Leurs visées, en général, étant plus pacifiques que belliqueuses, ils se tenaient pour satisfaits, si les routes des caravanes leur restaient ouvertes pour la liberté de leur commerce international. Seuls, les Iduméens, les Philistins et les Moabites montraient un même empressement à opprimer et à mettre à mal leurs voisins israélites.

Ceux-ci éprouvaient encore un plus grand besoin de repos, un plus vif amour de la paix, lorsqu’ils se rappelaient le pénible voyage du désert. Rien ne leur coûtait pour satisfaire ce besoin, et plus d’une fois, en faveur de l’étranger, ils firent bon marché de l’intérêt de leurs frères. Pour entretenir les relations amicales avec leurs voisins et s’assurer en quelque façon contre l’avenir, ils contractèrent avec eux des mariages, en ce sens que les pères donnaient leurs filles pour épouses à des Cananéens et acceptaient pour leurs fils de jeunes Cananéennes. Ces mariages mixtes devaient surtout se produire chez les tribus des frontières, qui voyaient dans les bons rapports de voisinage une condition essentielle de sécurité.

Or, de ces alliances matrimoniales avec les païens à la tentation de prendre part à leur culte, il n’y avait qu’un pas. Les indigènes avaient déjà des sanctuaires et des lieux de pèlerinage, auxquels se rattachaient des mythes qui souriaient à l’imagination populaire. Les Israélites trouvaient, sur leur propre territoire, mainte colline élevée, mainte vallée gracieuse, déjà revêtues d’un caractère sacré. Le peuple des campagnes, qui ne savait pas