Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/56

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assez distinguer les fictions païennes de la vérité israélite, et qui nourrissait encore le souvenir des aberrations de l’Égypte, n’éprouvait pas trop de répugnance à s’asseoir aux repas sacrés des idolâtres. Cette participation aux rites étrangers gagna peu à peu du terrain, d’autant plus que les Phéniciens imposaient aux Israélites par leur supériorité artistique et leurs capacités. D’ailleurs, le culte des peuples voisins ne flattait que trop les sens ; il devait plaire à ces natures encore jeunes, plus que le culte israélite, qui n’avait pas encore de formes arrêtées. A cette époque et plus tard encore, le sacrifice était l’expression par excellence du culte religieux et des rapports de l’homme avec la Divinité. Celui-là donc qui en éprouvait le besoin était obligé d’élever un autel à son usage ou d’adopter un sanctuaire déjà établi. Et la doctrine du Sinaï n’avait encore aucun représentant ni interprète pour enseigner aux hommes une autre manière d’honorer Dieu. Les Lévites, obligés de vivre et d’enseigner parmi toutes les tribus, n’avaient pas de domiciles fixes dans les villes, et, privés de propriétés foncières, étaient pauvres et peu considérés. L’habitude, l’esprit d’imitation, la séduction des sens, tout entraînait les Israélites vers le culte idolâtre des peuples voisins, tandis qu’un culte plus épuré, conforme à l’esprit de la lui sinaïque, n’avait guère pour eux ni attrait ni prestige.

Rien d’étonnant donc si les hauts lieux, dans le pays d’Israël, se couvrirent d’autels et si on y éleva des monolithes (matséboth)... A la vérité, les vieux souvenirs des miracles accomplis vivaient encore et formaient entre les tribus comme un lien invisible, en dépit de leur isolement et de leur accession à l’idolâtrie. Ces souvenirs, le père les transmettait à son fils et celui-ci au sien. Aux époques de détresse, des individus ou des tribus entières les caressaient avec ardeur : Où sont ces miracles de Dieu que nous ont contés nos pères ; ces prodiges qu’il opéra en nous amenant de l’Égypte dans ce pays-ci ? La scène du Sinaï enflammé restait toujours vivace chez ceux qui n’avaient pas suivi la stupide multitude. Les avertissements, d’ailleurs, ne leur manquaient point : des voir graves rappelaient à Israël cet heureux passé et censuraient sévèrement son existence idolâtre. Selon toute apparence, c’étaient des Lévites — ces gardiens de la Loi et des Tables