Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/57

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d’alliance, ces serviteurs du sanctuaire de Silo — qui, de temps à autre, surtout aux heures sombres, au sein des assemblées populaires, tonnaient contre ces désordres. Mais, lors même qu’un de ces orateurs réussissait à secouer l’âme de la foule, cette émotion n’était pas durable. La propension à frayer avec les voisins et à imiter leurs mœurs était trop puissante pour qu’on en pût aisément triompher.

Ainsi un mal en avait engendré un autre. L’égoïsme des Éphraïmites avait forcé les autres tribus, elles aussi, à ne penser qu’à elles-mêmes, et le faisceau national s’était relâché. En présence de cet individualisme, l’existence d’un chef unique n’était pu possible. Aucune tribu ne pouvant, en cas de besoin, compter sur l’assistance de ses sœurs, toutes se trouvaient réduites à se mettre sur un bon pied avec les peuplades voisines, à s’allier avec elles par des mariages, à s’associer à leurs coutumes idolâtres, à assimiler leurs mœurs et leur immoralité. La défection intérieure était une conséquence de la dislocation extérieure. Mais, en dépit de ces sacrifices et de cette complaisante abnégation, on ne pouvait obtenir ni une pleine sécurité ni une suffisante indépendance.

Ces voisins haineux, aussitôt qu’ils se jugèrent assez forts, firent constamment sentir aux Israélites qu’ils ne voyaient en eux que des intrus, dont l’anéantissement, ou du moins l’humiliation, était le plus cher de leurs désirs. Josué mort, de tristes jours ne tardèrent pas à luire. L’une après l’autre, les tribus furent attaquées, maltraitées, comprimées jusqu’à la servitude. A la vérité, dans les périls extrêmes, des hommes pleins de zèle et de courage s’avançaient sur la brèche et se signalaient par des traits héroïques. Ces héros, ces sauveurs du peuple, — les juges (schofetim), comme on les appelle d’ordinaire, — pouvaient bien, aux heures de crise, rassembler quelques tribus pour une action commune ; mais ils étaient impuissants à réunir le peuple entier sous leur main, même à retenir en un faisceau les tribus qu’ils avaient momentanément groupées, bref, à fonder un ordre durable. Encore moins ces sauveurs improvisés, ces chefs temporaires, étaient-ils capables de conjurer le fléau de l’idolâtrie et de l’immoralité, de susciter des partisans à la saine doctrine nationale,