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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/80

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échappa. En même temps que les peuplades cananéennes, Saül pourchassa les devins et les nécromanciens, dont les pratiques avaient d’intimes rapports avec l’idolâtrie.

Si Saül, d’un côté, recherchait avec ardeur l’affection populaire et voulait, par son zèle national et religieux, attester son dévouement absolu à la loi divine, il tâchait, d’autre part, d’inspirer au peuple un profond respect de la dignité royale. Il mit sur sa tête une couronne d’or, emblème de sa grandeur et de sa prééminence. Ses contemporains l’avaient connu simple laboureur et volontiers l’eussent traité de pair à compagnon : il convenait qu’ils oubliassent son passé et qu’ils prissent l’habitude de voir en lui un supérieur, un oint de Dieu, honoré du saint diadème. Quiconque s’approchait du roi était tenu de se prosterner devant lui. Il entoura sa cour d’un certain éclat et introduisit aussi la polygamie, ce luxe des rois d’Orient. Dans les guerres continuelles qu’il soutint contre les ennemis du dehors, dans celles qu’il poursuivit, à l’intérieur, contre les éléments étrangers, dans le déploiement de grandeur et de pompe dont il s’environna, Saül put oublier la terrible menace que le prophète lui avait jetée si brutalement dans l’oreille. Mais cette parole prit corps et, un beau jour, lui apparut inopinément comme un spectre, sous la figure d’un beau jeune homme qui le charma lui-même. Ce rival qu’il appréhendait, il dut lui-même le choyer, l’élever jusqu’à son propre trône, seconder en quelque sorte sa rivalité. Cette fatalité qui devait l’atteindre, c’est lui-même qui l’appela.

Un jour, après plusieurs rencontres avec les Philistins, il se trouvait engagé dans une guerre sérieuse avec ce peuple. Il avait réuni une nombreuse armée, et les deux camps, séparés seulement par une vallée profonde, restaient immobiles en face l’un de l’autre, chacun hésitant à faire le premier pas. Enfin, les Philistins proposèrent de vider la querelle par un combat singulier, et choisirent pour champion le géant Goliath. Saül, dans son vif désir de voir un de ses guerriers accepter la lutte, promit au vainqueur de riches présents, l’exemption de tout impôt pour sa famille, et alla jusqu’à lui promettre la main d’une de ses filles. Cependant, même à ce prix, aucun guerrier de l’armée israélite n’osait se mesurer avec Goliath. Là se trouvait, comme par hasard,