Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/81

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un jeune berger de Bethléem, — une ville du voisinage, — et c’est ce berger qui mit fin à la lutte. Ce simple pâtre a provoqué, directement et indirectement, une révolution dans les destinées du peuple israélite et dans l’histoire de l’humanité. David, qui n’était connu alors que des habitants de la petite ville de Bethléem, est devenu depuis un des noms les plus retentissants de la terre.

Samuel, après sa rupture avec Saül, avait reçu la mission prophétique de se rendre à Bethléem, d’y choisir l’un des huit fils du vieux Jessé (Yischaï) comme futur remplaçant de Saül, et de lui donner l’onction. Il s’y était transporté secrètement, craignant l’opposition de Saül. Le dernier seulement des fils de Jessé, David, un jeune homme au doux regard, au teint frais, à la mine avenante, lui apparut comme le véritable élu de Dieu. Samuel l’oignit[1], au milieu de ses frères, comme roi d’Israël. Il va de soi que cet acte, simple en lui-même, mais d’une portée grave, fut accompli dans le plus grand mystère et tenu secret par Samuel comme par la famille du nouvel élu.

Jessé, père de David, n’était pas d’une branche illustre de Juda ; loin de là, il appartenait à l’une des moindres, comme les autres Bethléémites en général. Pour David, lors de son onction, il était encore fort jeune ; il avait environ dix-huit ans, et aucun événement, aucun service rendu n’avaient encore marqué dans sa vie. Le monde pour lui, jusqu’alors, s’était borné aux belles prairies qui entourent Bethléem. Mais dans cet adolescent se cachaient des facultés qui n’avaient besoin que d’être mises en jeu pour faire de lui le premier de ses contemporains par l’intelligence, comme Saül l’était par sa personne.

David avait surtout le génie poétique et musical, et maintes fois sans doute, en conduisant ses troupeaux, il fit résonner de ses chants les échos des montagnes. Mais l’inspiration poétique ne fit pas de lui un rêveur : esprit clairvoyant et réfléchi, son regard savait saisir la réalité, et sa pensée la mettre à profit. De plus, il y avait dans sa nature quelque chose d’attirant, de séduisant, qui fascinait tous les cœurs et les soumettait malgré eus à son empire; bref, il était né conquérant. Tous ces dons, du reste, nous l’avons dit, étaient encore latents lorsqu’il fut sacré à huis

  1. Dans Sam., 1, 17, 15, au lieu de : Saül, c'est Samuel qu'il faut lire. Le sens de ce verset est que David faisait de fréquents séjours chez le prophète, qu'il allait le voir et s'en retournait pour faire paître les troupeaux de son père à Bethléem. De Bethléem à Mitspa, où demeurait Samuel, la distance est d'à peine 16 kilomètres.