Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/83

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La tête sanglante de Goliath à la main, le jeune vainqueur fut conduit devant Saül, à qui il était inconnu jusqu’alors. Le roi était loin de se douter que cet adolescent, à qui il ne pouvait refuser son admiration, fût ce même rival si vivement redouté. Il n’éprouvait que la satisfaction de ce grand triomphe. Son fils Jonathan, l’homme au cœur loyal, sensible, désintéressé, était comme fasciné par le jeune vainqueur. Son âme s’éprenait pour lui d’une affection passionnée, plus forte que l’amour d’une femme. — Bientôt la renommée de David se répandit dans tous les confins d’Israël. Lui, cependant, s’en retourna modestement dans la maison paternelle, n’emportant comme souvenir de son exploit que le crâne de Goliath et son armure. Toutefois, il ne resta pas longtemps chez son père ; car la destinée de Saül commençait à s’accomplir, et David avait été choisi pour en être l’instrument. Le nuage de tristesse qui, depuis sa mésintelligence avec Samuel, avait envahi l’âme du roi, s’assombrissait de plus en plus. Sa mauvaise humeur dégénéra en mélancolie, celle-ci en hypocondrie, et parfois se manifestèrent chez lui des accès de folie furieuse. Un mauvais esprit s’est emparé du roi, murmuraient entre eux ses serviteurs. La musique seule avait le don de le calmer. Aussi ses intimes lui conseillèrent-ils d’appeler à sa cour un musicien habile dans son art et poète, et ils lui recommandèrent comme tel le fils de Jessé. David vint et charma le roi par son jeu comme par toute sa personne. Chaque fois que Saül était pris d’humeur noire, David n’avait qu’à toucher son luth, l’accès se dissipait instantanément. Bientôt Saül ne put plus se passer de lui ; il en vint à le chérir comme un fils et finit par prier son père de le lui laisser définitivement. Il le nomma alors son écuyer, afin de l’avoir toujours près de lui et de recouvrer par son art la sérénité.

Ce fut là le premier échelon de la grandeur de David. Mais le roi ne fut pas le seul qui subit son empire. David exerçait la même puissance d’attraction sur tout l’entourage de Saül ; il captivait tous les cœurs, mais aucune amitié ne fut aussi vive que celle de Jonathan. Michal, la seconde fille de Saül, ressentait également au fond de son cour une secrète inclination pour David. — À la cour de Saül, il apprit le métier des armes, et plus d’une fois il remplaça