Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/90

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d’un sentiment profond, et dont la Bible nous a conservé les termes.

Quelque sincère cependant qu’eût été la douleur de David en apprenant la mort de Saül, il ne pouvait faire autrement que de la mettre à profit. Il ne pouvait plus tenir dans ce coin retiré de Siklag, et il avait hâte d’entrer en scène. Il choisit pour demeure l’antique ville d’Hébron, siège de la noblesse de Juda. Mais ce n’est pas par les Anciens qu’il y fut appelé[5] ; il s’imposa plutôt en quelque sorte, tant il avait compromis sa popularité, même dans sa propre tribu, par ses accointances avec les Philistins. Son corps de six cents hommes et les vaillants qui le commandaient le suivirent et s’établirent, avec leurs familles, à Hébron. Cet acte de résolution et d’indépendance, il l’accomplissait au moment même où les Philistins, dans le nord, étaient en train d’exploiter leur victoire. C’est seulement lorsque David fut fixé dans cette ville, alors chef-lieu de la tribu de Juda, que les Anciens de la tribu entière, à l’instigation des amis qu’il s’était faits par sa prévenance, le nommèrent roi. Il noua aussitôt des relations avec les tribus transjordaniques, afin de les gagner, elles aussi, à sa cause. Quant à celles de la région citérieure, encore soumises à la domination des Philistins, il ne pouvait ni n’osait s’adresser à elles. Une malheureuse fatalité le rivait aux Philistins ; il y avait lutte, dans son esprit, entre la prudence et le patriotisme. Celui-ci lui commandait de s’affranchir à tout prix de cette funeste alliance, mais celle-là lui conseillait de ne pas irriter un voisin trop puissant. Pour Achis, il laissait David parfaitement libre d’agir en roi de Juda et de faire des excursions dans les parties limitrophes du désert, excursions dont, après comme avant, il touchait sa part de butin ; mais il ne permettait pas à David de faire un pas au delà. Joab, qui avait l’étoffe d’un capitaine à hautes visées, devait se résigner au rôle mesquin ou honteux de chef de bandits. Mais si David ne pouvait songer à délivrer son pays des Philistins, parce qu’il avait les mains liées, un général de Saül, Abner, put mener à bien cette entreprise. Il avait eu le bonheur d’échapper au désastre de Gelboé, et il ne désespéra pas, dans ce naufrage de la maison de Saül, de sauver ce qui pouvait encore être