Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 1.djvu/91

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sauvé. En compagnie de plusieurs fuyards, il se dirigea vers l’autre rive du Jourdain, où les Philistins ne pouvaient les atteindre, et où la maison de Saül comptait encore des cœurs affectionnés. Il choisit la ville de Mahanaïm comme point de ralliement pour les partisans de cette famille. C’est là qu’il conduisit Isboseth, dernier fils survivant de Saül, avec le reste des membres de cette infortunée famille, et il parvint à le faire reconnaître roi par les tribus de cette région. Lorsque Abner, au moyen de ces tribus et des Benjamites qui l’avaient rejoint, eut composé un corps d’une solidité suffisante, il entama la lutte contre les Philistins. Il les délogea peu à peu de la région citérieure, mais ce ne fut qu’après quatre ou cinq ans (de 1055 à 1051) qu’il put en débarrasser entièrement le pays[6]. La reprise du canton de Benjamin lui coûta sans doute le plus de peine, parce que les Philistins pouvaient aisément y jeter des troupes. Chaque tribu délivrée par Abner s’empressait de rendre hommage au fils de Saül. Ce qu’a réalisé Abner est vraiment extraordinaire. Non seulement il a reconquis l’indépendance du sol, mais il a su faire entrer dans le faisceau national les tribus mêmes qui, sous le règne de Saül, s’étaient montrées rétives. Il a ainsi fondé effectivement le royaume des dix tribus, le royaume d’Israël ; il en a unifié et resserré les parties incohérentes. Et cependant, après sa victoire, après tous ses efforts, le peuple se trouva soudain réparti en deux royaumes, le royaume d’Israël et celui de Juda, gouvernés par deux rois différents. La tribu de Juda, à peine arrachée à son isolement par l’énergie de Samuel et de Saül, se trouva de nouveau séparée de ses sœurs. La victoire d’Abner n’avait pas causé d’allégresse, parce qu’elle avait provoqué la désunion.

Une fusion entre les maisons d’Israël et de Juda, il n’y fallait pas songer dans l’état des choses. Cette fusion répugnait non seulement aux deux rois David et Isboseth, qu’elle eût contraints naturellement l’un ou l’autre à abdiquer, mais plus encore peut-être à leur parti et leurs généraux respectifs, Joab et Abner, qu’une jalousie violente animait l’un contre l’autre. Un fait considérable, c’est que la maison de Jacob avait pour guide un roi valeureux et rompu à la guerre, oint par le prophète Samuel et, comme tel, personnage sacré, tandis qu’Isboseth, peu belliqueux à ce qu’il