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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/148

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sentiments des deux partis, la joie des uns, la tristesse des autres, se trouvent également justifiés. Grâce au masque hellénique dont il était revêtu, le judaïsme devint peu à peu accessible aux Grecs, qui étaient alors les agents de la civilisation universelle. Ils se familiarisèrent peu à peu avec ses doctrines et, malgré leur répugnance à les adopter, cinquante ans ne s’étaient pas écoulés que le judaïsme était connu des peuples dominants. La traduction grecque, ce fut le premier apôtre que le judaïsme envoya dans le monde païen pour l’arracher à sa perversité et à son impiété. Elle fut la médiatrice par laquelle s’opéra le rapprochement entre les deux doctrines ennemies, l’hellénisme et le judaïsme. Le christianisme, ce second apôtre des Judéens auprès des païen, en répandant partout la traduction du Pentateuque, la fit pénétrer profondément dans la pensée et dans le langage des nations. Tous les peuples civilisés adoptèrent des images et des expressions empruntées aux écrits judaïques. Ainsi le judaïsme, grâce à l’œuvre des Alexandrins, pénétra dans la littérature universelle et devint populaire. Mais, d’un autre côté, cette version valut à la doctrine juive bien des interprétations erronées et bien des mutilations. Elle ressemblait à un faux prophète, qui répandait ses erreurs au nom du vrai Dieu. La translation de l’hébreu dans un idiome si dissemblable offrait déjà par elle-même de grandes difficultés. Ce qui les aggravait encore, c’est qu’à ce moment on ne comprenait plus assez la langue hébraïque, non plus que le contenu et la véritable signification de la Thora, pour pouvoir rendre le sens exact de chaque expression. Enfin, le texte grec étant peu contrôlé, le premier venu pouvait y glisser une prétendue correction. Comme on se servait de cette traduction aux lectures du sabbat et des fêtes, le caprice de l’interprète pouvait y introduire des modifications. De fait, le texte grec fourmille d’additions et de corrections de ce genre, et celles-ci se multiplièrent encore davantage lorsque le christianisme entra en conflit avec le judaïsme ; si bien que la forme primitive de la traduction n’est pas toujours reconnaissable sous la forme actuelle du texte. Cependant les Alexandrins des générations suivantes croyaient si bien à la perfection de cette œuvre qu’ils considéraient l’original hébreu comme superflu