Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/24

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où sera ta demeure sera aussi la mienne ; ton peuple est le mien, ton Dieu est mon Dieu ; où tu mourras, je veux mourir, et la mort seule nous séparera ! » Et Ruth, la Moabite, tint parole. Et lorsque plus tard elle épousa Booz, — un Judaïte, — le peuple ravi s’écria : « Dieu bénisse cette femme qui entre dans ta maison, et la fasse devenir comme Rachel et Léa, qui ont édifié la maison d’Israël ! » Et le fils que Ruth donna à son époux eut pour descendant David, le pieux roi d’Israël. — Ce délicieux petit livre[5] est d’une finesse exquise dans ses détails. Mais ce que le poète tenait surtout à faire ressortir, c’est d’abord que la famille royale d’Israël descendait d’une Moabite ; en second lieu, que cette même Moabite, après s’être attachée au peuple de Juda, après s’être abritée « sous les ailes de Dieu », avait déployé toutes les vertus qui sont l’apanage des filles d’Israël, chasteté, délicatesse, esprit de dévouement et de sacrifice. L’application de cette histoire à la question du jour était facile, et on ne pouvait manquer de la faire. Parmi ces femmes répudiées ou menacées de l’être, n’y en avait-il point qui fussent semblables à Ruth ? Les enfants nés de ces femmes, engendrés par des pères Judaïtes, fallait-il les renier comme des païens ? Et alors la maison de David, cette race royale dont l’ancêtre avait épousé une Moabite, était donc, elle aussi, une famille étrangère ?

Mais non, rien n’y fit : Ezra et le sénat de Jérusalem persistèrent, avec une inflexible rigueur, à exclure de la communauté tous les éléments qui n’étaient pas d’origine judaïque, de la « semence sainte ». Les essais de conciliation ayant échoué, les luttes hostiles devinrent inévitables. Les ennemis, exaspérés, entreprirent des attaques contre Jérusalem. Sanballat et ses compagnons étaient à la tête d’une légion guerrière, et les maîtres de Jérusalem entendaient peu, sans doute, le métier des armes. Les Samaritains firent des brèches aux murailles de la ville, mirent le feu à leurs portes de bois et détruisirent nombre de maisons, pour la seconde fois, Jérusalem eut l’aspect d’un monceau de ruines[6]. Toutefois, ils épargnèrent le temple : pour eux aussi le temple était chose sainte. Il n’en fut pas moins livré à un triste abandon. La plupart des habitants de Jérusalem, privés de la protection de leurs remparts, s’éloignèrent et allèrent s’établir où ils purent. Les Aaronides et les Lévites, qui ne touchaient plus leurs redevances