Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/25

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et leurs dîmes rurales, abandonnèrent le temple pour chercher ailleurs des moyens d’existence. Ce fut une triste période pour la république juive, réorganisée à peine depuis un siècle. Beaucoup de familles notables se raccommodèrent avec leurs voisins, reprirent les femmes qu’elles avaient répudiées ou contractèrent de nouveau de semblables unions. Pour garantir la stabilité de ces alliances, on se lia vraisemblablement par des serments mutuels. Pour le moment, l’œuvre d’Ezra semblait avortée et l’existence même de l’État compromise. Que manquait-il encore pour sa totale dissolution ?

Cependant le zèle qu’avait su enflammer Ezra était trop profond pour céder ainsi à des contretemps. En voyant la ruine et la désolation de Jérusalem, quelques Israélites, douloureusement émus de ces événements, se rendirent en toute hâte en Perse pour y chercher assistance. Ils comptaient particulièrement sur Néhémie, l’échanson du roi Artaxerxés, et dont le parent, Hanani, avait vu de ses yeux tout ce qui s’était passé. Ils s’adressèrent donc à lui et lui firent une peinture épouvantable de la situation des Judéens dans leur pays et du délabrement de la ville sainte. Néhémie frémit d’horreur en apprenant ces détails. Zélateur ardent de la Loi, il lui semblait que Jérusalem, la sainte cité chère à Dieu entre toutes, était entourée d’une muraille de feu d’où aucun ennemi ne pouvait approcher impunément. Et maintenant il la voyait violée et déshonorée, comme la première ville venue ! — Mais il ne se laissa pas dominer par sa douleur. Néhémie était homme d’action et de ressources. Il avait appris à la cour l’art de gouverner ; il savait qu’une volonté ferme est maîtresse des hommes et des événements. Il résolut sur-le-champ de se rendre lui-même à Jérusalem et de mettre un terme à cette affreuse situation. Mais comment s’éloigner ? Son service l’enchaînait à la cour. La faveur même du roi le retenait près de lui, et lui ôtait la possibilité d’aller à Jérusalem.

Habile comme il était, Néhémie attendit une occasion propice pour solliciter la permission d’Artaxerxés. Cependant la tristesse qui le rongeait avait fait disparaître peu à peu sa bonne mine et la sérénité de son front. Un jour qu’il servait à boire au roi et à la reine, Artaxerxés fut frappé de l’altération de ses traits et lui en