Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

demanda la cause. Profitant aussitôt de cette disposition favorable : Puis-je avoir joyeuse mine, répondit-il, quand la ville où sont les tombeaux de mes pères est désolée, quand ses portes sont consumées par le feu ? En même temps, il exprima le vœu de s’y rendre et de porter remède à sa malheureuse situation. Le roi, plein de bienveillance, lui accorda tout ce qu’il désirait, lui permit d’entreprendre le voyage, de relever les murs, de rétablir l’ordre dans les affaires de l’État. Il lui remit des lettres enjoignant aux fonctionnaires royaux de n’apporter aucun empêchement à son voyage et de lui fournir du bois de construction. Il lui donna même une escorte de soldats à pied et à cheval, et l’institua gouverneur (péhha) de la Judée. Il mit à toutes ces grâces une seule condition : il exigea que Néhémie ne se fixât pas indéfiniment à Jérusalem, et qu’après un certain délai il retournât à la cour. — Ce voyage de Néhémie va imprimer une nouvelle direction au développement historique de l’État juif, ou plutôt accentuer la direction inaugurée par Ezra.

Néhémie quitta donc la résidence de Suse avec un nombreuse suite de parents et de serviteurs, et protégé par une escorte militaire. En traversant l’ancien territoire des dix tribus, il remit au gouverneur ses lettres de recommandation. Sanballat et Tobie connurent ainsi le but de son voyage et pressentirent une lutte prochaine. C’était pour eux une déception peu agréable, d’apprendre qu’un Judaïte, favori d’Artaxerxés, était institué gouverneur de la province et, selon toute prévision, allait prendre en main la cause de ses frères persécutés.

Arrivé à Jérusalem, Néhémie resta invisible pendant trois jours. Il voulait d’abord faire connaissance avec le théâtre de son activité et avec le monde à qui il aurait affaire. En attendant, il organisa une sorte de cour au petit pied : car il avait une fortune de prince et dépensait à l’avenant. Du reste, il dissimula le but de son arrivée, au point de ne pas même s’en ouvrir aux principaux Judaïtes, à qui il se fiait peu. Une nuit, il sortit à cheval, seul, pour se rendre compte de l’étendue des désastres et aviser au meilleur moyen de les réparer. Ensuite à convoqua les chefs de famille, même ceux qui habitaient la province, et leur déclara, à leur grande surprise, qu’il avait reçu plein pouvoir du