Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/306

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patriote, un prince consciencieux, pénétré de ses devoirs envers son peuple. L’Hasmonéen, chez lui, avait complètement effacé l’Hérodien. Sous le règne d’Agrippa (41-44), la Judée jouit pour la dernière fois d’une période de calme et de bonheur. Il s’appliqua sans cesse à marcher d’accord avec la nation, même au risque de perdre les bonnes grâces des Romains, si bien qu’il désarma ses ennemis les plus implacables et s’en fit des amis.

Nos autorités ne se lassent point de célébrer son attachement au judaïsme : on eût dit qu’il avait pris à tâche de réparer les fautes de son aïeul Hérode. A la fête des Prémices, il se mêla, sans aucun faste, à la foule qui se rendait au temple, portant lui-même, comme les autres, sa corbeille de fruits dans le sanctuaire. Cette fête, appelée aussi la fête des Corbeilles, fut célébrée cette année-là avec une solennité extraordinaire. Les Judéens accoururent à Jérusalem par groupes nombreux, apportant les prémices de leurs jardins dans ce temple, qui n’était plus déshonoré par l’image de Caligula. Les riches avaient mis leurs fruits dans des corbeilles d’or ou d’argent. Chaque groupe était accompagné de joueurs de flûte. Dans le temple, au moment de la consécration des fruits, les chœurs de lévites entonnèrent le psaume XXX, qui semblait un écho de la joie populaire :

Je te glorifie, Seigneur, parce que tu m’as relevé
Et ne m’as pas laissé devenir la risée de mes ennemis...
……………………………………………………
Tu as changé mon deuil en joie...

Le roi Agrippa prit part à cette fête avec la plus fervente piété. — Agrippa remit aussi en vigueur l’ancienne loi en vertu de laquelle le roi devait lire au peuple assemblé dans le parvis du temple, à la fin de l’année sabbatique, le Deutéronome de Moïse. Agrippa, debout, fit cette lecture (automne de l’an 42), et quand il arriva à ce passage : Du milieu de tes frères tu dois te choisir un roi, le souvenir de son origine semi iduméenne lui arracha des larmes ; mais la foule et les Pharisiens eux-mêmes lui crièrent énergiquement : Tu es notre frère ! tu es notre frère !

L’influence de son gouvernement éclairé se fit sentir dans toutes les parties de l’administration judaïque. Il rendit au Sanhédrin