Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/332

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des doutes qui réclamaient une solution. Quelle que soit la propension d’une foule de païens pour le judaïsme, sera-t-il possible d’y convertir toute la gentilité, si elle doit se soumettre au joug de la Loi entière, s’il faut lui imposer l’observance du sabbat et des fêtes, des lois alimentaires, des prescriptions concernant le pur et l’impur, enfin et surtout la circoncision ? Faudra-t-il donc aussi astreindre les païens à toutes les aggravations légales introduites par les Pharisiens ? S’il en est ainsi, l’accès du judaïsme sera fermé à jamais aux nations. D’autre part, la Loi sera-t-elle abolie en ce qui concerne les païens, et suffira-t-il de leur inculquer la connaissance du vrai Dieu et de la saine morale ? Mais la Loi tout entière est l’œuvre de Dieu, qui l’a révélée et qui en a énergiquement recommandé l’observance. Comment donc pourrait-elle être abolie ?

Arrivé à ce point, Saul se souvint sans doute de la parole d’un de ses maîtres : que la Loi n’aurait d’autorité que jusqu’à l’époque du Messie et qu’elle cesserait d’être obligatoire à l’arrivée de ce libérateur. Si le Messie apparaissait ou s’il était venu, il n’y avait plus d’obstacle à l’accession des gentils. Se pouvait-il donc qu’il fût apparu ? Jésus serait-il, d’aventure, le véritable Messie ? Ces pensées préoccupaient vivement Saul. Mais son tempérament nerveux et son imagination exaltée eurent enfin raison de son incertitude : il crut fermement que Jésus lui était apparu. Longtemps après, parlant de cette apparition, il disait lui-même : Si ce fut en corps, je ne sais; si ce fut sans son corps, je ne sais ; Dieu seul le sait. Quant à moi, je fus ravi jusqu’au troisième ciel. Assurément, un pareil témoignage est peu concluant en lui-même ; mais on s’est chargé de l’amplifier. Cette conversion de Saul, si décisive pour l’avenir du christianisme, a été embellie à souhait par la légende. Sur le chemin de Damas, Saul s’était vu tout à coup environné d’une lumière, était tombé par terre comme foudroyé, puis avait entendu une voix qui lui criait : Saul ! Saul ! pourquoi me persécutes-tu ? Aveuglé par cette apparition, il gagne Damas, et là, à la parole d’un chrétien qui lui conseille de recevoir le baptême, les écailles lui tombent des yeux.

Certain, désormais, d’avoir vu réellement Jésus, Saul sentit s’évanouir un autre doute et surgir en son esprit une toute nouvelle