Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/348

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y figurait comme accusé, en aggravait singulièrement la portée. L’empereur fixa un jour pour les débats de cette affaire, mais ce ne fut pas lui qui la jugea : l’arrêt lui fut dicté par sa femme, la trop fameuse Agrippine, dont l’amant, Pallas, était frère de Félix. Il était convenu entre les délégués judéens et Pallas que, si Cumanus était condamné, on prierait l’empereur de nommer à sa place Félix procurateur de la Judée. Ce fut cette manœuvre, plutôt que leur bon droit, qui donna gain de cause aux Judéens. Plusieurs Samaritains, reconnus coupables, furent exécutés, et Cumanus fut envoyé en exil. A la même époque, sans doute aussi à la recommandation de l’impératrice, Agrippa obtint, dans la région nord-est de la Judée, un royaume formé des provinces qui avaient jadis fait partie de la tétrarchie de Philippe : la Batanée, la Gaulanitide, l’Auranitide, la Trachonitide, Panéas et Abilène (an 53). Quant à la Judée proprement dite, Rome se garda bien de la confier à un prince judéen, quelque docile et dévoué qu’il fût aux intérêts de l’empire.

Le successeur de Cumanus au gouvernement de la Judée fut Félix, dont l’ancien grand prêtre Jonathan avait demandé la nomination à l’empereur. Il épousa une princesse judéenne, la belle Drusille, sœur d’Agrippa II, laquelle embrassa le paganisme en faveur de ce mariage. Pendant toute son administration (53-59), Félix surpassa son prédécesseur en audace et en violence. Cette âme d’esclave ne songeait qu’à amasser de la fortune et à satisfaire ses passions. Il conserva son funeste pouvoir, même après la mort de Claude (54). En vain Néron — le nouvel empereur — ou sa mère Agrippine, continuant à la famille hérodienne les faveurs de Claude, fit don à Agrippa de quatre belles cités avec leurs dépendances : Tibériade et Tarichée en Galilée, Julias et Abila en Pérée (56) ; la Judée n’en demeurait pas moins sous la domination d’un maître altéré de sang. Félix affectait de n’en vouloir qu’aux séditieux et aux agitateurs ; mais ce qui prouve bien sa duplicité, c’est qu’il se mit en rapport avec les farouches sicaires pour parvenir à se débarrasser de ses détracteurs. Ils durent être nombreux, les innocents qu’il sacrifia ainsi sous prétexte de bien public et comme ennemis de Rome, puisque ce même Jonathan, qui avait demandé sa nomination à l’empereur, osa blâmer énergiquement