Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 2.djvu/54

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rappellera un jour les morts à la vie. Il se forma ainsi une doctrine de la rémunération, qui peignit l’avenir ou la vie future sous les plus vives et les plus séduisantes couleurs. Un monde enchanté s’ouvrit aux regards et enivra les imaginations. Ce monde doit mettre fin à toutes les anomalies de l’existence actuelle, en dissiper les illusions, en réparer les mécomptes ; les justes et les bons, les pieux observateurs de la Loi, qui ont tant souffert ici-bas, sortiront de leurs tombes pour entrer, purs et transfigurés, dans la vie éternelle. Les pécheurs mêmes, — ceux qui n’auront failli que par faiblesse et légèreté, — ceux-là aussi, purifiés dans l’enfer et amenés à résipiscence par l’expiation, seront admis aux joies de l’éternité.

Mais cette résurrection, mais ce monde de l’avenir, si beau et si pur, quelle en sera l’économie ? Répondre à cette question dépassait la sphère de la conception humaine. La foi et l’espérance ne s’attardent pas à creuser les problèmes. Elles savent qu’un jour sonnera l’heure d’une équitable réparation, et cela leur suffit pour calmer toutes les souffrances de l’heure présente. Bien que le judaïsme ait, en réalité, puisé hors de lui-même le germe de cette doctrine, il l’a fécondé et enrichi à sa manière, il l’a doué d’une puissance moralisatrice. En le faisant sien, en l’imprégnant de sa propre substance, foncièrement morale, il a transformé, jusqu’à le rendre méconnaissable, cet élément d’origine étrangère. Seuls, les Samaritains s’obstinèrent longtemps à repousser le dogme de la résurrection, ainsi que les conceptions de la vie future qui en étaient le corollaire. Il suffisait qu’une chose fût aimée à Jérusalem, pour qu’à Sichem on s’empressât de la rejeter.

Dans le long espace de près de deux cents ans, — depuis la mort de Néhémie jusqu’à la chute de l’empire perse, — où l’on assura par des lois l’existence de la communauté juive, où l’on éleva l’édifice du judaïsme en élargissant ses éléments propres et en l’enrichissant d’éléments étrangers, pas un seul nom n’est venu jusqu’à nous, pas une des personnalités qui créèrent ce grandiose monument, destiné à résister aux assauts des siècles. Les chefs spirituels du peuple, les auteurs de la nouvelle organisation, ont-ils à dessein, et par excès de modestie, dérobé leurs