Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/136

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Bar-Eleasa proposa naïvement cette énigme à Juda. Celui-ci s’aperçut probablement au sourire de Bar-Kappara qu’il s’agissait d’une plaisanterie qu’on voulait faire à son gendre, et il dit d’une voix courroucée à Bar-Kappara : Je ne te reconnaîtrai pas comme docteur. En effet, Bar-Kappara n’obtint jamais l’ordination. Un autre disciple, Mar-Samuel, qui était un des savants les plus célèbres de la Babylonie, et dont les soins et l’habileté guérirent Juda de sa longue et douloureuse maladie, ne put non plus être ordonné docteur. Juda voulut un jour s’excuser auprès de Samuel de ne lui avoir pas accordé l’ordination. Samuel répondit en riant que cela avait été arrêté ainsi dans le livre d’Adam. « Il y est écrit, dit-il, que j’aurai le titre de savant, mais non celui de rabbi, et que je guérirai ta maladie. » — Un autre Babylonien, Hanina, qui fut compté plus tard parmi les autorités religieuses de son temps, fit remarquer un jour à Juda qu’il n’avait pas bien prononcé un mot des Prophètes. « Qui t’a dit que ce mot doit être prononcé autrement ? demanda le patriarche. — Hamonuna de Babylonie, répliqua Hanina. — Quand tu le reverras, lui dit Juda, tu lui annonceras que je t’ai donné le titre de savant. » Le patriarche indiqua par là qu’il n’élèverait jamais Hanina au grade de docteur. Cette susceptibilité formait le côté faible de Juda, elle avait peut-être son origine dans la santé débile du patriarche ; néanmoins, elle irritait parfois les disciples, mais ceux-ci vénéraient trop Juda pour manifester tout haut leur mécontentement. Le vin délia cependant un jour les langues, et, à un banquet, les fils jumeaux de Hiyya, Juda et Hiskiyya, exprimèrent ouvertement ce que leurs camarades pensaient tout bas : « Le Messie ne pourra venir, dirent-ils, que lorsque les deux maisons princières d’Israël, le patriarcat en Palestine et l’exilarcat en Babylonie, auront disparu. »

Juda mit à profit le pouvoir presque absolu dont il jouissait pour supprimer certaines pratiques que le temps avait consacrées, mais que la nouvelle situation des Judéens rendait très difficiles à observer. Il semble avoir aboli, entre autres, l’usage d’allumer des feus sur les montagnes de la Palestine pour annoncer la néoménie. Il décida que les communautés seraient dorénavant informées de cette date par des messagers. Cette mesure fut prise probablement à la suite de l’hostilité qui avait éclaté entre les