Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/151

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« Celui qui est aimé des hommes, dit Hanina ben Dossa, est aussi aimé de Dieu, et celui qui ne plaît pas aux hommes ne plaît pas à Dieu. » — « Qui est véritablement sage ? dit Ben-Zoma, celui qui ne dédaigne l’enseignement de personne. Qui est vraiment fort ? celui qui triomphe de ses passions. Qui est respectable ? celui qui respecte ses semblables. » — « Ne méprise personne, dit Ben-Azaï, et ne dédaigne aucun objet ; tout homme à son heure et tout objet son emploi. » — « L’homme ne saurait être trop humble, dit Lévitas, de Jabné, car sa destinée est de devenir la proie des vers. » — « Sois humble devant tout le monde, » dit Meïr.

Ces maximes d’une morale pure et élevée, les Tannaïtes les inculquaient à leurs disciples et ils les mettaient en pratique dans la vie. Ils étaient d’une piété fervente et sincère et d’une rare modestie ; ils haïssaient par-dessus tout l’orgueil, l’égoïsme et l’hypocrisie, et ils aimaient leurs semblables d’une affection profonde. L’ardeur de la lutte peut seule expliquer et justifier les dénominations injurieuses d’imposteurs, serpents, langues de vipère, que les Minéens ou judéo-chrétiens, exclus de la communauté judaïque, appliquèrent aux docteurs. Il était souverainement injuste de les accuser de ne rien faire que pour attirer sur eux l’attention des hommes, de s’approprier les maisons des veuves, sous prétexte qu’ils adressent au ciel de longues prières, de n’être pieux qu’à l’extérieur, tandis qu’à l’intérieur ils étaient remplis d’hypocrisie et de méchanceté. C’était les outrager et les calomnier que de mettre contre eux, dans la bouche de Jésus, comme l’a fait l’auteur judéo-chrétien de l’Évangile de Mathieu, les paroles suivantes : « Tout ce qu’ils vous disent de faire, observez-le et faites-le ; mais n’imitez pas leurs actions, ils sont pieux en paroles, mais agissent mal ; » c’était les calomnier que de leur reprocher de se laisser ou de se faire appeler par orgueil de titre de Rabbi, Abba (père), Môré (maître). Certes, rien, dans ces qualifications, n’indiquait la présomption ou l’orgueil. Un seul reproche, très grave, pouvait être adressé aux Tannaïtes : c’était d’avoir attaché une importance bien plus considérable à la casuistique qu’aux prescriptions de la morale, d’avoir laissé ces dernières trop dans l’ombre et d’avoir ainsi fait