Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/162

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insu, ce texte se volatilisa en quelque sorte entre leurs mains et changea de fond et de forme.

La première génération des Amoraïm, qui succéda immédiatement aux Tannaïtes et demi-Tannaïtes, se composa d’hommes remarquablement doués, qui atteignirent un âge très avancé ; leur activité dura au delà d’un demi-siècle. Les tendances de leurs écoles étaient différentes ; ils énoncèrent les opinions les plus divergentes, mais leurs discussions ne prirent jamais le caractère d’altercations violentes, parce qu’il existait de leur temps une règle fixe, une autorité reconnue, la Mischna, à laquelle ils devaient tous obéissance. Le plus ancien docteur de cette génération était Hanina ben Hama, de Sépphoris (vers 180-260) ; il descendait d’une ancienne et illustre famille babylonienne, et il exerçait la médecine. Cette science, pratiquée surtout par les lévites, avait trouvé également de nombreux adeptes chez les docteurs de la Loi. L’enseignement de Hanina était très simple. Ce docteur était un amora dans la véritable acception du mot ; il exposait la Mischna ou la Boraïta telle qu’elle lui avait été enseignée, sans jamais formuler une opinion personnelle. S’il se présentait un cas quelconque, même très facile, sur lequel la Mischna ne s’était pas prononcée, il ne se permettait pas de le résoudre par lui-même, il le soumettait aux délibérations de ses collègues ou de ses disciples. Ces derniers, plus hardis, ne voulurent pas se résigner à rester attachés à la lettre même de la Mischna, ils se séparèrent de leur maître et fondèrent de nouvelles écoles.

Hanina était d’une piété profonde, qui lui valut le respect des Judéens et des Romains. Lorsqu’il visita, un jour, avec son jeune collègue Josua ben Lévi, le lieutenant romain à Césarée, celui-ci se leva devant les docteurs, et comme quelques-uns des assistants s’en étonnèrent, il leur répondit : « En les voyant, il me semble voir des anges. » L’estime dont Hanina jouissait lui permit de dénoncer avec une franchise absolue les graves défauts de sa communauté, à laquelle il reprochait surtout de croire à la réalité des miracles les plus absurdes. Les exhortations sévères qu’il adressa aux habitants de Sépphoris sont très intéressantes pour l’histoire, elles font connaître l’état des mœurs de cette époque. La peste sévissait une fois à Sépphoris et aux environs avec une