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opposa cette conception qu’à ce moment-là aussi tout suivra son cours normal, et que l’époque messianique ne se distinguera des temps antérieurs que par l’indépendance absolue dont jouira la nation juive. Mar-Samuel ne se consacra pas uniquement à l’enseignement de la Loi, il s’occupa également d’astronomie et de médecine. Son autorité dans les questions rituelles était moins grande que celle de Rab, mais il était un jurisconsulte éminent et toutes ses décisions dans les affaires civiles acquirent force de loi. Il formula cette règle, d’une importance capitale, que les juifs doivent obéissance aux lois du pays où ils demeurent aussi bien qu’à leur propre législation, ce qu’il exprima par ces mots : Dina demalkuta dina. Les Judéens de la Babylonie et des pays parthes, vivant sous un régime de liberté et de tolérance, acceptèrent facilement cette prescription, qui était au fond une innovation très hardie. Le principe de l’inviolabilité des lois du pays établi par Mar-Samuel était, en effet, en contradiction formelle avec les anciens usages, qui permettaient et souvent recommandaient la transgression de certaines lois étrangères. Ce principe eut dans la suite les plus heureuses conséquences pour les Judéens, il contribua, d’un côté, à les réconcilier avec le gouvernement des pays où les jetait la destinée ; d’autre part, aux ennemis des israélites qui auraient pris prétexte de l’apparent esprit d’exclusivisme du judaïsme pour conseiller des mesures de persécution contre la nation juive, on pouvait opposer ce commandement de Samuel, qui réduisait à néant tous leurs raisonnements. Déjà le prophète Jérémie avait adressé ce conseil salutaire aux tribus dispersées en Babylonie : « Travaillez au salut de la ville où vous êtes établis. » Mar-Samuel transforma ce conseil en une prescription religieuse : « On est tenu de se soumettre à la loi de l’État. » C’est à Jérémie et à Mar-Samuel que le judaïsme est redevable d’avoir pu subsister dans les pays étrangers.

Mar-Samuel fut une des figures les plus originales de cette époque. Profondément pénétré de l’esprit du judaïsme, dont il connaissait admirablement les doctrines et les traditions, il sut néanmoins voir au delà des limites étroites de sa patrie et de sa religion, et il se préoccupa aussi des autres nations et de leurs croyances. Il s’instruisit particulièrement chez les savants de Perse,