Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 3.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’était servi avec intention de certaines particules dans la Thora. Ces particules, selon lui, ne devaient pas seulement concourir à l’arrangement syntactique de la phrase, mais étaient employées comme indices des développements et des restrictions que comporte chaque loi. Nahum, par sa méthode de déduction, ajouta aux sept règles d’interprétation de Hillel un principe nouveau et fécond qui fut accueilli, appliqué et développé sous le nom de règle des additions et des restrictions. Cette nouvelle loi d’interprétation trouva un adversaire dans Nehunia ben Hakkana. Nehunia était très estimé et d’une rare modestie, il put dire sur son lit de mort qu’il n’avait jamais cherché son élévation dans l’abaissement des autres, qu’il n’avait jamais persisté dans ses opinions par entêtement, ni consacré sa fortune à ses propres besoins. En entrant à l’école, où il occupait une situation importante, il avait l’habitude de prier tout bas, et demandait à Dieu de lui inspirer des décisions sages et conformes aux vues de ses collègues, et d’éloigner de son cœur tout sentiment d’amour-propre et de susceptibilité exagérée. Du reste, les docteurs qui s’étaient groupés autour de leur chef, Johanan ben Zakkaï, étaient tous amis de la paix, de la concorde et de la tolérance. Les disciples de l’école de Schammaï, irascibles et querelleurs, n’avaient pris aucune part à la fondation de la nouvelle école. La plupart d’entre eux s’étaient enrôlés dans le parti des zélateurs et avaient péri pendant la lutte, ou s’étaient enfuis après la défaite, et les survivants craignaient de reparaître en public.

Il est difficile de déterminer exactement le temps que Johanan est resté à la tête de l’école de Jabné ; ce docteur n’a cependant pas dû y exercer son action pendant plus de dix ans, et il est peu probable qu’il ait assisté à l’avènement de Domitien. Quant à l’histoire, à cette époque, des communautés juives de Rome, de la Grèce, de l’Égypte et des pays Parthes, elle nous est totalement inconnue ; il est à croire que ces communautés s’étaient soumises à l’autorité du Synhédrin de Jabné. Cet accord de tous les Judéens dans la dispersion, qui était un fait si considérable et d’une si haute importance, fut l’œuvre de Johanan. Ce fut ce dernier qui sut renouer le lien qui avait uni autrefois entre eux par des croyances communes les Judéens les plus éloignés, lien qui