avait été brisé par la guerre ; ce fut lui qui prépara pour eux la transition de la vie politique, si tumultueuse et si compliquée, à l’existence calme et féconde qu’ils mèneront plus tard dans la communauté ou à l’école. Johanan réunissait en lui les qualités du prophète Jérémie et du prince de l’exil, Zorobabel. Comme Jérémie, il pleura sur les ruines de Jérusalem, et comme Zorobabel, il sut fonder un nouvel état de choses. Tous deux, d’ailleurs, Johanan et Zorobabel, ont vécu à une époque de transition ; héritiers du passé, ils ont préparé l’avenir. Tous deux ont posé les fondements pour la restauration du judaïsme, et leur œuvre a été continuée et achevée par les générations suivantes.
Johanan mourut doucement, entouré de ses disciples. Avant de mourir, il eut avec eux un suprême entretien qui nous découvre son âme tout entière. Lorsque les disciples témoignèrent leur surprise de voir leur maître, si courageux pendant la vie, trembler devant la mort, il leur répondit qu’il ne craignait pas de quitter cette terre, mais de comparaître devant Celui qui est un juge équitable et incorruptible, et en les bénissant il leur adressa les paroles suivantes : Puisse la crainte de Dieu produire sur vous une action aussi salutaire que la crainte des hommes. Puis il rendit le dernier soupir en exprimant l’espoir de la vague prochaine du Libérateur.
À cette époque, l’activité juive s’était uniquement concentrée sur l’étude de la Loi. Aussi, dès que Johanan fut mort, ses principaux disciples se réunirent-ils pour choisir le lieu où ils pourraient continuer l’œuvre du maître. La plupart d’entre eux furent d’avis de rester à Jabné, où vivait un groupe de docteurs savants et expérimentés. Seul, le disciple favori de Johanan, Éléazar ben Arak, insista pour transférer le siège de l’école à Emmaüs (Guimzo), ville dont le climat était très sain et qui était située à trois milles de Jabné. Éléazar crut, dans sa présomption, que sa présence serait indispensable à l’école et que ses collègues viendraient le rejoindre à bref délai, et, sur les conseils de sa femme, il se sépara des autres docteurs. Isolé, éloigné du centre de l’étude et de la pensée, il perdit le souvenir de tout ce qu’il avait appris, à un tel point que son ignorance donna lieu aux plus singuliers incidents. On appliqua à Ben Arak cette sentence : « Établis-toi au centre de