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levait même les offrandes destinées aux prêtres, probablement pour les distribuer aux docteurs ; car le sacerdoce cédait alors le pas à la science religieuse. Ce pays était devenu un État juif dont la Constitution était représentée par la Mischna, et les pouvoirs publics par le prince de l’exil et les assemblées populaires convoquées par les docteurs. Cette effervescence intellectuelle influa sur les exilarques, qui s’adonnèrent à l’étude de la Loi avec un zèle tout nouveau ; Néhémie et Ukban, petits-fils de Rab, mentionnés avec leur père, Nathan, parmi les exilarques de cette époque, méritèrent par leurs connaissances juridiques d’être qualifiés du titre de Rabbana. Cette activité intense qui s’était emparée de tous les juifs de la Babylonie et montrait que le judaïsme était encore assez vigoureux pour produire une nouvelle floraison, fut soigneusement entretenue par les successeurs de Rab et de Mar-Samuel. Les plus importants d’entre eux furent : Huna, chef de l’académie de Sora, dont l’autorité religieuse était reconnue par les communautés juives de la Babylonie et du dehors ; Juda ben Yehesquêl, qui fonda une école à Pumbadita et introduisit une nouvelle méthode dans l’enseignement de la Halaka ; Nahmam ben Jacob, qui, après la destruction de Nehardea (259), transféra son école à Schekan-Zib, près du Tigre ; et, enfin, Hasda Schèschét et Rabba bar Abbahu. Ces différents amoraïm imprimèrent à l’enseignement des écoles babyloniennes des directions variées.

Huna, de Diokar, (né vers 212 et mort en 297) succéda à Rab comme chef de l’école de Sora ; il jouit d’une autorité considérable, à laquelle les amoraïm de Tibériade même se soumirent. L’histoire de sa vie est en même temps un tableau des mœurs de cette époque, où les Judéens savaient concilier leur ardeur pour l’étude de la Loi avec la pratique d’un métier. Huna, quoique apparenté avec l’exilarque, avait une fortune très modeste. Il cultivait lui-même son petit champ, et n’en rougissait nullement. Deux adversaires lui demandaient-ils de juger leur différend, il leur faisait d’habitude cette réponse : « Donnez-moi quelqu’un pour accomplir mon travail, et je serai votre juge. » Il fut aperçu, un jour, rentrant chez lui, la bêche sur l’épaule, par Hama bar Anilaï, homme le plus riche, mais aussi le plus généreux et le plus charitable de la Babylonie. Ce Hama avait atteint l’idéal dans la pra-